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15 juin 2024, Troyes : Templiers et templarisme : raisons et déraisons d’un mythe

« Le fou, on le reconnaît tout de suite. [...] Le fou a une idée fixe, et tout ce qu’il trouve va pour la confirmer. Le fou, on le reconnaît à la liberté qu’il prend par rapport au devoir de preuve, à sa disponibilité à trouver des illuminations. Et ça vous paraîtra bizarre, mais le fou, tôt ou tard, met les Templiers sur le tapis. »

Cette phrase, qu’Umberto Eco met dans la bouche de l’éditeur érudit Jacopo Belbo dans Le Pendule de Foucault, rappelle avec humour et pertinence combien les Templiers sont devenus, au fil des siècles, un sujet inspirant les discours complotistes les plus contournés. Il faut dire que l’histoire de l’ordre, de sa naissance en Terre sainte à sa chute soudaine et théâtrale, a tout pour fasciner les imaginaires, et se sont ainsi développés plusieurs motifs à la fois indépendants et connectés. On peut en dégager trois principaux : dès 1531, l’alchimiste Cornélius Agrippa fait des Templiers les détenteurs d’un mystérieux savoir ésotérique ramené d’Orient, une idée qui refleurit au XVIIIe siècle dans les milieux maçonniques et irrigue encore aujourd’hui des dizaines d’œuvres. Au fil des réécritures, les Templiers deviennent les héritiers, les disciples, les frères ou encore les protecteurs des Assassins du Liban, des Cathares du sud de la France, des Vaudois, des Écossais en guerre contre les Anglais, des manichéens de l’Antiquité tardive, voire des Égyptiens du temps des pyramides... En parallèle, le thème de la malédiction des Templiers a lui aussi connu une longue histoire à la fois littéraire et audiovisuelle. Enfin, la question du trésor caché des frères a inspiré des artistes, des complotistes et des apprentis archéologues. Ces différents nodules imaginaires se croisent et s’influencent mutuellement : les œuvres qui font des Templiers les protecteurs de l’Arche d’Alliance ou encore du Graal (Indiana Jones et la Dernière croisade) s’inscrivent au carrefour du motif du trésor et de l’ésotérisme ; tandis que celles qui imaginent des frères agissant encore en secret aujourd’hui dans de mystérieux desseins (Assassin’s Creed) sont à la croisée du thème du savoir mystérieux et de la malédiction. Plus diffusément, le Templier est l’une des grandes figures des médiévalismes contemporains, immédiatement reconnaissable par son costume caractéristique : à côté du Viking, du chevalier arthurien, de la cathédrale, il participe d’une véritable mythologie du Moyen Âge qui est de plus en plus étudiée aujourd’hui.

Se plonger dans le mythe templariste, c’est d’abord mesurer la profusion des œuvres qui l’utilisent et, ce faisant, l’alimentent. On trouve pêle-mêle des romans, des films, des séries, des jeux vidéo, des peintures, des bandes dessinées pour adultes ou pour un public plus jeune – saviez-vous que Picsou a couru après le trésor des Templiers ? –, des morceaux de musique, etc., mais également des pratiques plus concrètes, orchestrées par des groupes de reconstituteurs ou des loges maçonniques se réclamant, plus ou moins directement, de l’imagerie templière. Les Templiers deviennent tantôt de nobles guerriers protégeant des textes menacés par l’Église (The Bastard Executionner, The Last Templar de Khoury), tantôt, à l’inverse, un ordre militariste dont la violence est mise au service du pouvoir (les Templiers Noirs de Warhammer 40 000).

Ce sont ces usages pluriels, enchevêtrés, complexes par la diversité des formes et des acteurs qu’ils mobilisent, que nous nous proposons d’étudier lors d’un colloque transdisciplinaire par la direction des Archives et du Patrimoine de l’Aube, dans le cadre de la programmation scientifique de la Fédération de la route templière européenne. L’enjeu de ces journées n’est pas de décortiquer les erreurs historiques qui sous-tendent ces mythes, mais plutôt de prendre ces derniers au sérieux afin d’étudier ce qu’ils disent de notre rapport au Moyen Âge et aux médiévalismes contemporains.

Plusieurs pistes peuvent être explorées, autour de trois grands axes :

Le templarisme historique

de l’époque du revival templier, au XVIIIe siècle, jusqu’aux XXe et XXIe siècles, les communications peuvent s’inscrire librement dans le temps en se saisissant d’un moment ou d’une période plus large.
l’analyse pourra croiser plusieurs œuvres pour travailler sur la circulation d’un motif ou d’un thème. Les propositions interrogeant un genre artistique sur le long terme (par exemple les Templiers dans les comics étatsuniens depuis les années 1940) seront particulièrement bienvenues.
l’analyse peut aussi se pencher sur des pratiques contemporaines associées au templarisme, en particulier dans le champ maçonnique, paramaçonnique ou dans le domaine de la reconstitution, de la plus rigoureuse aux plus fantaisistes.
Le templarisme culturel

une analyse monographique centrée sur une œuvre artistique en particulier qui mettrait en scène des Templiers – une saga romanesque, une série télé, etc. – ou sur un lieu particulièrement associé au mythe templariste, comme Rennes-le-Château ou Gisors. Le corpus est aussi ouvert que possible et aucun média, aucun support, quel que soit sa date, son pays d’origine, sa nature, n’est a priori exclu du champ du colloque. Des communications ressortissant à la pop culture ou à des objets reflétant notre monde contemporain seront les bienvenues.
Le templarisme politique

l’analyse pourra travailler l’utilisation politique ou militante des imageries templaristes, des plus inoffensives aux plus toxiques : pensons, par exemple, à Anders Breivik, ce terroriste norvégien qui se pose, dans le manifeste posté en ligne quelques heures avant de passer à l’acte, comme un templier en croisade contre l’islam. Moins mortifère, l’utilisation de l’imagerie templière par des policiers occidentaux peut également être interrogée comme toute forme de récupération qui s’inscrirait dans un cadre politique et identitaire.
Conditions de soumission
Les communications de chercheuses et chercheurs de toutes disciplines sont les bienvenues, en particulier en histoire, en littérature, en histoire de l’art, en archéologie, en sociologie, en philosophie et en anthropologie. Les langues de communication de la rencontre seront le français, l’anglais et l’italien, et ce sont elles qui serviront également pour l’édition des actes prévue fin 2026.

Les organisateurs prêteront une attention particulière aux propositions des jeunes chercheuses et chercheurs (jeunes docteurs, doctorants, voire masterants).

L’ensemble des frais de déplacement (avion classe économique et train 2e classe), d’hébergement (3 nuitées) et de restauration sera intégralement pris en charge par le Département de l’Aube.

Les propositions de communication, d’un maximum de 400 mots, si possible accompagnées d’une notice biographique ou d’un bref CV, sont à envoyer aux adresses suivantes : arnaud.baudin chez aube.fr ; florient.latin chez gmail.com ; ph.josserand chez wanadoo.fr
avant le 15 juin 2024.

L’évaluation des propositions de contribution sera réalisée, sans anonymisation, par les responsables scientifiques du colloque.

Les projets retenus seront communiqués à leurs auteurs avant le 14 juillet 2024.
Le colloque se tiendra à Troyes du 15 au 17 octobre 2025.

Responsables scientifiques
Arnaud Baudin : directeur adjoint des archives et du patrimoine de l’Aube
Philippe Josserand : maître de conférences en histoire médiévale à l’université de Nantes
Florian Besson : historien, en poste dans le secondaire
Comité d’organisation
Arnaud Baudin
Daphné Castano (Archives et Patrimoine de l’Aube)