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La dame courtoise et la littérature dans ’Les Miracles de Nostre Dame’ de Gautier de Coinci

Jean-Louis Benoit

Benoit, Jean-Louis, « La dame courtoise et la littérature dans ’Les Miracles de Nostre Dame’ de Gautier de Coinci », Le Moyen Age, 2/2010 (Tome CXVI), p. 367-384.

Extrait de l’article

Une des caractéristiques de l’idéologie et de la littérature courtoises est la place éminente accordée à la femme. Celle-ci est une dame de haute naissance, souvent mariée. Il est inutile de rappeler ici la doctrine de la fin’amor qui s’est constituée autour du service qui lui est dû. Tout un code règle le comportement de l’amant qui sert et vénère sa dame. À des degrés divers, cette éthique et cette esthétique sont présentes dans la majeure partie de la littérature médiévale, en particulier la lyrique et le roman. Pour peu que l’on veuille faire de la littérature, désormais il faut s’y référer. Le public, aristocratique ou non, a ses goûts et ses attentes. Les aventures chevaleresques gagneront à être aussi amoureuses. La poésie chante surtout la dame aimée. L’Église ne pouvait ignorer ce domaine de la culture qui lui échappait de plus en plus. Notre hypothèse est que les Miracles de Nostre Dame, qui fleurissent dans toute la Romania, à la fin du XIIe siècle et au cours du XIIIe siècle, sont une tentative pour proposer une littérature sacrée qui puisse rivaliser avec la littérature profane, dans laquelle triomphe la dame courtoise. Ces miracles sont des traductions versifiées et souvent des réécritures des innombrables miracles latins qui célèbrent les merveilles de Notre-Dame. Gautier de Coinci est le plus célèbre de ces auteurs. Il a vécu dans la région de Soissons. Il était prieur de l’abbaye de Vic-sur-Aisne, puis de Saint Médard de Soissons. Il écrit ses miracles de 1218 à 1227 et jusqu’à sa mort en 1236, il compose chaque année au moins une chanson en l’honneur de la Vierge, qu’il intègre à son recueil. Nous nous baserons sur l’édition de V.F. Koenig. Son œuvre très variée [6][6] Chaque miracle comporte un récit de faits miraculeux... et très riche a eu un succès considérable au Moyen Âge, comme l’attestent les nombreux manuscrits qui nous restent. C’est lui qui définit véritablement le miracle comme genre littéraire. Nous nous proposons d’observer comment cet auteur traite du thème de la courtoisie et plus particulièrement de la dame courtoise dans son œuvre. Cette question nous conduira à en examiner secondairement une autre, plus complexe, celle du rapport de la littérature mariale et de la littérature profane. La théorie qui prévaut est celle selon laquelle la littérature mariale ne fait que copier la littérature profane. Est-ce exact ?

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