Versailles, une histoire naturelle
Grégory Quenet
Grégory Quenet, Versailles, une histoire naturelle, Paris, La Découverte, coll. « Sciences Humaines », 2015, 220 p., ISBN : 9782707184948.
Contre ceux qui souhaitaient faire raser le palais à la Révolution française, Versailles a été sauvé. Il fut ensuite ressuscité comme objet scientifique et patrimonial, peu à peu réintégré à la mémoire nationale. Considéré comme l’une des plus belles réalisations de l’art français au XVIIe siècle, lieu du pouvoir qui dit le pouvoir, objet scientifique savamment décortiqué, Versailles est devenu la France, l’histoire incorporée en un palais et ses jardins. En vérité, une partie du lieu a définitivement disparu.
Le Versailles animal, organique, vivant, énergétique s’est éteint définitivement avec le départ du roi et de la Cour à la fin de l’année 1789. Le domaine actuel de Versailles n’est qu’une petite portion du vaste territoire du Versailles d’autrefois, dont l’emprise s’étendait bien au-delà des terres possédées par le roi. Les réseaux techniques, les édifices, les inscriptions physiques et juridiques du parc de chasse ont laissé de nombreuses traces, mais ce sont les reliques d’un ensemble plus vaste, plus puissant et vivant.
Les flux, les matières, les animaux, les rapports de force, l’entremêlement avec le territoire et les hommes sont devenus invisibles, et ne subsistent qu’indirectement par la manière dont ils ont configuré la société et le gouvernement, et dont ceux-ci les ont à leur tour manipulés et transformés. C’est cette autre histoire de Versailles que raconte ce livre, une histoire où la nature est incorporée dans le social et le politique, et où l’homme est contenu dans la nature.
Cette perspective fait s’effondrer l’histoire officielle du rapport entre pouvoir et nature en France incarnée par le château et ses jardins. Loin du stéréotype d’une nature aménagée, rationalisée et contrôlée, Versailles a toujours « fui » de partout…