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Les historiens de la Renaissance, la loi salique et les reines de la dynastie mérovingienne

Eliane Viennot

Viennot, Eliane, « Les historiens de la Renaissance, la loi salique et les reines de la dynastie mérovingienne », dans M. Viallon (dir.), L’Histoire et les historiens à la Renaissance, Saint-Etienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2001.

Extrait de l’article

On sait que la question des femmes au pouvoir a été à la Renaissance, et tout particulièrement en France, un sujet majeur de controverses. D’une part, bien sûr, parce qu’elles furent tout à coup nombreuses à l’exercer, seule ou en compagnie, qui au nom de son fils, qui au nom de son frère, qui aux côtés de l’un ou l’autre, qui auprès de son royal amant. D’autre part, c’est une évidence, en raison des difficultés traversées par le pays lorsqu’elles étaient aux commandes, bien qu’on ne voie pas que les règnes d’hommes en aient été exempts ni qu’elles se soient débrouillées moins bien qu’eux. Enfin et surtout, me semble‐t‐il, à cause du démenti cinglant que leur présence apportait à la fable de la supériorité française en la matière, puisque le royaume des lys – et lui seul – prétendait disposer d’une loi empêchant ce que John Knox devait appeler (peu avant de se rallier à Elizabeth Ire d’Angleterre), le « monstrueux gouvernement des femmes ».
Certes, la loi salique, puisqu’il s’agit d’elle, n’avait pas été inventée pour empêcher les reines d’être régentes ou les rois d’être amoureux, mais pour justifier les coups d’État successifs (ou si l’on préfère les « accidents dynastiques ») intervenus en France au début du XIVe siècle, et qui avaient abouti non seulement à l’éviction des Capétiens directs par les Valois, mais aussi à la guerre dite de Cent ans. La nouvelle théorie, élaborée dans le premier tiers du XVe siècle – soit près de cent ans après les événements –, stipulait donc qu’en France, en raison de l’établissement de la loi salique au Ve siècle par Pharamond, premier roi des Francs et descendant d’Hector, les femmes ne pouvaient ni hériter ni transmettre la Couronne ; et que cette règle, rédigée par « quatre grands du royaume » ou, selon d’autres versions, par « quatre conseillers » du roi, avait été ensuite imperturbablement suivie. La théorie ne disait rien, en revanche, et c’était là l’une de ses faiblesses, ni de la dévolution de la régence, ni de l’existence des maîtresses royales. Néanmoins, ses partisans avaient suffisamment mobilisé le vieil argumentaire misogyne justifiant à leur yeux l’établissement d’une telle mesure pour que le message fût clair : c’était bien de toutes les femmes que la vie publique devait être débarrassée, et pas seulement des héritières de couronne potentielles.

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