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Funérailles nobiliaires et pouvoir seigneurial à la Renaissance

Anne-Valérie Solignat

Solignat, Anne-Valérie, « Funérailles nobiliaires et pouvoir seigneurial à la Renaissance », Revue historique, 2012/1 (n° 661), p. 101-130.

Extrait de l’article

L’histoire de la mort se situe à la croisée de plusieurs courants historiographiques. Elle est longtemps restée redevable à l’analyse des Ars moriendi. L’interprétation qui est alors faite de l’appareil cérémoniel qui l’encadre, comme rite de passage inéluctable, se focalise autour de la question de la piété ; la liturgie funéraire étant censée être la même pour tous les chrétiens. Mais elle doit aussi beaucoup à l’analyse des rituels au Moyen Âge et au début de l’époque moderne. Ralph Giesey s’est ainsi intéressé aux funérailles royales, qu’il replaçait dans les grandes cérémonies de la monarchie, et auxquelles il accordait une efficacité politique participant pleinement de la construction du pouvoir royal. Si Élisabeth Brown et Alain Boureau ont pointé la fragilité des théories cérémonialistes, dont la démonstration associerait tout acte royal à l’absolutisme, Colette Beaune et, à sa suite, Muriel Gaude-Ferragu ont rappelé que les obsèques concouraient tout à la fois de la mise en scène du rang et de la puissance des princes, tout comme elles rappelaient à l’éternité que la mort n’accueillait que d’humbles chrétiens.

Désormais bien connu pour le corpus sociologique des rois et des princes de la fin du Moyen Âge, le terrain reste largement inexploré pour une noblesse moyenne, ou plus modeste, pour qui l’essentiel de la distinction sociale reposait encore aux XVIe et XVIIe siècles sur la propriété féodale. Pourtant, Michel Lauwers a souligné le lien intrinsèque qui se nouait autour du fief entre vivants et morts. Il rappelle que l’apparition du pouvoir seigneurial a vu naître simultané­ment les mottes castrales et la fondation de nécropoles familiales. La constitution d’un corpus documentaire d’une vingtaine de testaments, principalement conservés aux archives départementales permet de suivre partiellement les dernières volontés de leurs auteurs, gentilshommes d’Auvergne et du Bourbonnais. Entre 1486 et 1624, bornes chronologiques de cette étude, la cérémonie des funérailles et la géographie des inhumations renforçaient quotidiennement la légitimité du lignage du défunt en dessinant les frontières de la territorialisation de sa potestas. La mort du seigneur, rendue publique par l’organisation des obsèques, entrait dans la politique de consolidation du pouvoir seigneurial en proclamant la continuité de la dynastie des héritiers qui se succédaient à sa tête. Les funérailles étaient le terreau sur lequel se fondait le culte des ancêtres, gage de l’aptitude de leurs descendants à être également puissant. Les gestes d’une vie aristocratique s’inséraient dans une logique générale de maîtrise et d’affirmation de son pouvoir personnel et de celui des siens. L’appartenance à la noblesse passait, dans l’Auvergne de la première modernité, par la détention du pouvoir de commandement propre à l’exercice de la dignité seigneuriale.

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