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La Grande Mademoiselle en visite à Trévoux : souveraineté rêvée, rêve romanesque

Jean Garapon

Jean Garapon « La Grande Mademoiselle en visite à Trévoux : souveraineté rêvée, rêve romanesque », Dix-septième siècle, 3, 2005 (n° 228), p. 489-497.

Extrait de l’article

Souveraine des Dombes, Mlle de Montpensier, cousine germaine du jeune Louis XIV, est venue en tout et pour tout trois jours à Trévoux, à la fin de l’année 1658, alors que la cour de France se trouvait à Lyon pour négocier, faire semblant de négocier plutôt, le mariage du jeune monarque avec l’héritière de Savoie. Cette brève visite, certes anecdotique à l’échelle de la grande histoire, n’a pas été sans conséquences locales pour les sujets de la princesse – en témoignent à terme la fondation d’institutions de bienfaisance, comme l’Hôpital de Trévoux et sa pharmacie, les beaux portraits conservés à l’Hôtel de Ville de Trévoux, les monnaies émises à l’effigie de la souveraine. Du point de vue qui sera le mien, cette visite a eu d’intéressantes retombées littéraires, puisque Mademoiselle relate assez longuement cette visite dans ses Mémoires et profite de ce séjour pour improviser une pochade romanesque significative, La Relation de l’Île imaginaire offerte en manière de raillerie à un officier du Parlement de Dombes. Une relation mémorialistique, un essai romanesque, certes sans prétention, mais par la suite publié et méritant l’analyse : cette courte mais intense visite se révèle fructueuse pour nous car – outre l’intérêt documentaire des pages des Mémoires – elle offre l’attrait de permettre à la princesse écrivain un voyage en soi, dans ses rêves, dans ses goûts, dans ses souvenirs aussi, un voyage qui détermine une brusque échappée dans l’imaginaire du roman, dont l’officier du Parlement de Dombes ne fournit en réalité que le prétexte. Personnage complexe, incurablement rêveur, très attaché néanmoins à ses titres et aux prérogatives de son rang, Mademoiselle va visiter sa Souveraineté avec un mélange caractéristique de gravité et de détachement souriant, en laissant sa mythologie personnelle s’épancher en liberté dans l’existence réelle, puis contaminer discrètement à quelques années de là le récit qu’elle donne de ces journées. Je voudrais très simplement rappeler les circonstances de cet épisode (dont je ne connais que la version qu’en donne la princesse mémorialiste) et montrer l’originalité de sa vision, puis analyser cette Relation de l’Île imaginaire, voyage dans le voyage pourrait-on dire, libre plongée dans un imaginaire exubérant, perspective cavalière sur une culture personnelle offerte à la fois avec ingénuité et élégance.

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