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31 déc. 2022, Chambéry : Langues et identité dans les récits d’origine du Moyen Âge

Université Savoie-Mont-Blanc
Laboratoire LLSETI
Journées d’étude du 3 et 4 avril 2023

La question de la langue imprègne profondément les sociétés médiévales, qui – comme l’ont montré les études récentes – sont loin de se fondre dans la triade forgée par le XIXe siècle : un État, une nation, une langue[1]. En réalité, les royaumes, principautés et républiques médiévales sont marqués par le plurilinguisme, qu’il s’agisse du phénomène de diglossie – tension inhérente à l’utilisation d’une langue savante et liturgique (latin ou grec) d’une part et de la langue parlée d’autre part – ou de la cohabitation de différents groupes linguistiques. Toutefois, l’idéalisme médiéval n’admet pas toujours cette diversité. Isidore de Séville affirme qu’une langue correspond nécessairement à un peuple, tandis que les sources ne nous permettent qu’épisodiquement de saisir cette complexité.

L’association intime entre l’histoire et les peuples forme une des grandes caractéristiques de la période médiévale. La plupart du temps, les chroniques débutent par un récit expliquant les origines de la communauté : le mythe d’un ancêtre menant son peuple depuis une patrie ancienne vers une nouvelle terre promise. L’ascendance commune ne constitue toutefois pas la seule caractéristique de l’ethnicité. Par exemple, Réginon de Prüm (…915) distingue l’origine, les mœurs, les lois et enfin la langue comme éléments constitutifs d’un peuple.

Dans une large mesure, les historiens considèrent aujourd’hui que les peuples ou les nations du Moyen Âge sont des entités fondamentalement politiques. Quelle place peut alors occuper la langue dans leur définition ? Cette question a été étudiée, notamment en lien avec l’émergence d’un sentiment national, dans les derniers siècles du Moyen Âge. De nombreuses études, depuis deux décennies, portent ainsi sur le développement du vernaculaire dans les actes, la littérature ou la culture écrite dans son ensemble, signes de l’affirmation de langues nationales[2].

Les récits d’origine gardent toutefois une place de premier plan, tout au long du Moyen Âge, comme éléments constitutifs d’identité. L’attrait dans l’historiographie pour cette thématique ne faiblit pas, et le débat — loin de se limiter à une hypothétique opposition entre l’école de Vienne et l’école de Toronto — fait apparaître de nouveaux enjeux et de nouvelles analyses[3]. Cependant, la question de la langue semble parfois être quelque peu oubliée, alors qu’elle pourrait permettre de riches réflexions sur la question des identités politiques et nationales au Moyen Âge.

Ces journées d’étude ont pour but d’interroger le rôle de la langue — telle qu’elle peut apparaître dans les récits d’origine — comme facteur constitutif d’identité ethnique ou nationale. Quelle importance les chroniqueurs donnent-ils à la langue vernaculaire ? Est-elle un reliquat d’un passé barbare à rejeter ou, au contraire, est-elle l’affirmation d’une identité propre ? Dans les conceptions médiévales, un peuple correspond-il à une seule langue, ou peut-il être multilingue ? À partir du modèle de Babel, la langue est-elle perçue comme un élément d’unité ou comme un élément de division pour les chroniqueurs ?

Les communications pourront porter sur les thèmes suivants, sans s’y limiter :

La langue comme élément concomitant à la création d’un peuple, notamment en lien avec l’épisode biblique de Babel.
L’usage des étymologies, parfois perçues comme une fantaisie médiévale, qui témoignent toutefois d’une réflexion linguistique originale.
L’usage d’ethnonymes, de toponymes ou encore d’anthroponymes en langue vernaculaire, servant à s’approprier un territoire et un passé.
La langue comme stratégie de distinction vis-à-vis d’autres entités politiques ou culturelles, qui peuvent apparaître comme menaçantes ou hégémoniques.
Les rapports entre l’oralité et l’écrit, la distance entre la culture intellectuelle et savante des chroniqueurs et les récits supposés oraux insérés dans les chroniques ; la fonction de la langue populaire dans les récits d’origine.
Les propositions de communication d’un maximum de 2500 signes sont à envoyer avant le 31 décembre 2022, à l’adresse suivante : marcin.kurdyka chez univ-smb.fr. Les frais d’hébergement et de repas seront pris en charge par l’Université Savoie-Mont-Blanc.

Comité scientifique :

Magali Coumert, Université de Tours
Alban Gautier, Université de Caen Normandie
Marcin Kurdyka, Université Savoie-Mont-Blanc / Université de Varsovie
Tomasz Pełech, Université de Varsovie
Laurent Ripart, Université Savoie-Mont-Blanc
[1] A. Classen, M. Sandidge (éd.), Multilingualism in the Middle Ages and Early Modern Age, Berlin/Boston, 2016 ; G. Naegle, « Diversité linguistique, identités et mythe de l’empire à la fin du Moyen Age », Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, 2012, n° 36, p. 253-279.

[2] E. Krotz, S. Müller, N. Kössinger, P. Rychterova (éd.), Anfangsgeschichten / Origin Stories. Der Beginn volkssprachiger Schriftlichkeit in komparatistischer Perspektive / The Rise of Vernacular Literacy in a Comparative Perspective, Leyde, 2018 ; S. Lusignan, La langue des rois au Moyen Age. Le français en France et en Angleterre, Paris, 2004.

[3] L. Brady, P. Wadden (éd.), Origin Legends in Early Medieval Western Europe, Leyde, 2022. Voir également les six volumes de la série Historiography and Identity, Turnhout, 2019-2022 et M. Coumert, Origines des peuples. Les récits du haut Moyen-Age occidental, 550-850, Paris, 2007.