Les palais royaux à Paris au Moyen Age (XIe-XVe siècles)
Boris Bove
Comment citer cet article :
Boris Bove, « Les palais royaux à Paris au Moyen Age (XIe-XVe siècles) », dans M. -F. Auzepy, J. Cornette (dir.), Palais et Pouvoir, de Constantinople à Versailles, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2003, p. 45-79. Article édité en ligne sur Cour de France.fr le 4 octobre 2008 (https://cour-de-france.fr/article592.html).
Le palais médiéval est l’expression d’un pouvoir fortement incarné et en même temps dispersé entre de nombreuses mains après l’an Mille. Par conséquent, dans ce palais, la fonction résidentielle et la sphère privée dominent les fonctions administratives et publiques, tandis que se multiplient les lieux de pouvoir, jusqu’à un niveau très local. Leur démultiplication est amplifiée par le nomadisme des cours princières. On trouve donc de nombreux palais, aux architectures variées. Jean Mesqui croit cependant discerner le passage, entre le Xe et le XIIe siècle, d’un palais civil de type carolingien, symbole d’un pouvoir régalien, structuré autour du triptyque aula (grande salle publique), capella (espace religieux), camera (résidence), à un palais de type castral où la fonction militaire domine et où la tour symbolise le pouvoir féodal, fondé sur l’exercice du droit de ban – c’est-à-dire, en dernière analyse, de la force [1].
On ne peut isoler le cas parisien de ce contexte général. Toutefois la question du palais royal à Paris se pose en termes spécifiques à partir du XIIe siècle : la restauration progressive du pouvoir royal conduit à mieux distinguer la personne du roi du pouvoir qu’elle exerce, la vie privée du monarque de sa vie publique, ainsi que les
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espaces qui leur sont attribués, tandis que Paris apparaît conjointement comme le principal séjour des rois, c’est-à-dire leur capitale [2]. La particularité du palais royal à Paris, c’est qu’il ne cesse de se complexifier à partir de cette époque, mais aussi de se démultiplier en divers lieux de la ville. Cette apparente ubiquité des rois dans leur capitale est curieuse ; elle ne répond pas à la nécessité domestique et politique qui explique le nomadisme de la cour à travers le domaine, puisque les résidences du roi dans Paris au XIVe siècle – le palais de la Cité, le Louvre, l’hôtel Saint-Pol, le château de Vincennes [3] – sont distantes de moins d’un kilomètre les unes des autres pour les trois premières, et de quelques kilomètres pour la dernière. Cette démultiplication obéit-elle à une nouvelle logique politique qui voudrait distinguer physiquement les différentes fonctions du roi ou est-elle le fruit du caprice du prince ? Il convient, pour comprendre la nature du palais royal, d’en retracer l’historique et de replacer chaque palais dans le système architectural parisien, et plus généralement dans celui des œuvres du roi.
Un centre politique immémorial dans la Cité
Il n’y eut longtemps qu’un seul palais, celui de la Cité. Sa structure architecturale est connue à partir de Robert le Pieux (+ 1031) : d’après son biographe, le moine de Fleury Helgaud, « les gens à son service avaient construit par son ordre un palais magnifique, qui est à Paris » [4].
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« Reconstruit » serait plus juste, car les traces d’occupation de la pointe occidentale de l’île de la Cité remontent à la nuit des temps – à l’époque celtique au moins [5]. C’est sur cette zone d’alluvions marécageuses que les premiers habitants de la ville, en manque d’espace à bâtir et par souci de sécurité, construisent une forteresse de bois. Lutèce est alors un oppidum refuge pour les peuplades du Parisis. C’est la fonction défensive qui a décidé, à l’origine, du choix du site ; cependant, à partir de l’époque romaine, la forteresse devient un palais. La ville neuve se développe sur la rive gauche, mais l’île de la Cité reste le sanctuaire politique et religieux qu’elle avait été auparavant : le chef militaire romain l’habite, comme le suggère le cas de Julien qui se fit proclamer en 360 empereur par ses soldats venus le chercher dans son appartement privé du palais de Paris qu’il habitait depuis deux ans. Cependant les invasions du IIIe siècle et celles du VIIIe siècle contribuent à conserver son caractère fortifié à cette résidence, puisque l’île se dote d’une enceinte sur laquelle s’appuie le palais militaire, qui fait office de citadelle. Les rois Mérovingiens continuèrent à l’occuper, mais il connut une éclipse sous les Carolingiens. Le comte de Paris en fit ensuite naturellement son siège et les rois capétiens occupèrent le site à leur tour.
L’œuvre de Robert le Pieux a consisté à faire relever les bâtiments ruinés par plusieurs siècles d’incurie, ce qui permet d’en appréhender la topographie (carte 1). Il se présente comme un quadrilatère de 500 mètres de circonférence, à la pointe occidentale de l’île. Robert fait d’abord restaurer la « salle du roi », au nord-est du palais, qui est probablement l’héritière du tribunal du prétoire romain. C’est là que se réunit la cour. Il fait ensuite construire la chapelle Saint-Nicolas, qui remplaça la chapelle royale mérovingienne et se trouvait probablement à l’emplacement de la Sainte Chapelle actuelle. Le logis du roi n’est pas localisé mais il est évident qu’il existait, puisque le souverain habitait le palais lorsqu’il venait à Paris. La structure aula, capella, camera
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se laisse donc deviner, même s’il est probable que l’espace de résidence se dégage mal de l’aula.
C’est aux successeurs de Robert le Pieux du XIIe siècle qu’il revient d’avoir développé le complexe palatial en (re)construisant un logis séparé côté occidental (la future chambre verte avec un oratoire privé attenant), un pont sur piles de pierre reliant l’île à la rive droite et surtout une grosse tour circulaire au milieu du complexe palatial. La datation de cette tour est incertaine : Jean Guérout situe sa construction vers 1111 d’après le contexte événementiel – elle serait une réponse à l’attaque surprise menée par le comte Robert de Meulan contre la Cité – mais, par son architecture, elle pourrait aussi bien dater de Louis VII ou même de Philippe Auguste [6]. La seule certitude, c’est qu’elle est antérieure à celle du Louvre, qui est qualifiée de « neuve » au début du XIIIe siècle.
Quoiqu’il en soit, il est intéressant de noter que sa construction donne un caractère castral, pour ne pas dire féodal, à un palais dont la structure est avant tout de type civil, en dépit de la muraille qui l’entoure. Cette tour est le prototype de la tour beffroi, qui a une pure fonction militaire, bouclier de la résidence en contrebas et matérialisation du pouvoir féodal. A Paris comme ailleurs au XIIe siècle, la tour beffroi succède à la tour résidence du XIe siècle, dont elle est l’antithèse [7]. On peut cependant émettre l’hypothèse que la seconde fonction prime peut-être sur la première dans le cas de ce donjon situé à l’intérieur d’un vaste quadrilatère palatial d’un hectare et demi, c’est-à-dire assez loin des murs d’enceinte et de la Seine ; il sert moins à protéger la ville, ou même seulement l’île, qu’à couvrir les bâtiments palatiaux immédiatement à sa portée, voire seulement les biens et personnes qu’il abrite… La tour sert surtout à abriter le trésor, éventuellement de refuge. Il est possible qu’elle ait aussi assumé un rôle symbolique en incarnant le pouvoir féodal renaissant du roi : aucune mention dans la documentation ne l’atteste, contrairement à la tour du Louvre ensuite, mais l’étonnant respect que les rois lui manifestèrent à travers les siècles, en évitant de toucher à son intégrité, laisse penser qu’elle représentait davantage qu’une simple protection. L’incendie de 1776 seul décida de sa destruction.
C’est dans ce palais que les rois du XIIe siècle résident quand ils sont à Paris – et ils y restent de plus en plus longtemps – c’est là que meurent Louis VI et Louis VII, c’est là qu’ils accueillent les souverains
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étrangers comme Henri II ou Jean sans Terre [8]. Mais cette synthèse architecturale, entre modèle civil et militaire, est concurrencée au XIIIe siècle par la construction d’un nouveau lieu de pouvoir, le Louvre.
Deux palais pour un roi à partir du XIIIe siècle
Le dessein qui a conduit à la construction du Louvre est, au départ, exclusivement militaire. Philippe Auguste veut défendre Paris, dont il a fait sa capitale en y déposant ses archives et son trésor, contre la menace que font peser les Plantagenêt sur le domaine royal. Le roi ordonne avant de partir en croisade en 1190 la construction d’une enceinte qui sera achevée en 1208 pour la rive droite et 1213 pour la rive gauche. Comme le danger vient de la Normandie, et même du Vexin tout proche (Henri II le possède depuis qu’il a conservé, en dépit du décès de son fils, la dot de sa bru, sœur du roi de France), Philippe Auguste renforce l’enceinte occidentale près du fleuve par la construction d’un ouvrage défensif. Ce dernier s’inscrit dans un vaste programme de construction de fortifications à travers le domaine, destiné à préparer l’affrontement avec le Plantagenêt, puis à maîtriser les nouvelles conquêtes [9].
Le Louvre primitif est bien connu par les fouilles de 1863, 1883 et 1983-1986 : la forteresse est située sur un terrain sec formant le revers de la butte Saint-Germain-l’Auxerrois ; c’est un quadrilatère de 78 mètres sur 72, avec des murailles épaisses de 2,3 mètres, défendues par 10 tours à demi engagées, servant de chemise à une tour maîtresse de 31 mètres de haut pour une base de 15 mètres au sol, située dans la cour intérieure. Ce château est une synthèse brillante et originale des traditions de fortification du temps. Les archéologues qui l’ont fouillé ne lui ont trouvé presque aucune faille, hormis peut-être la contrescarpe du fossé de la grosse tour, assez mince et montée en biais sur de la terre sableuse, qui se serait facilement effondrée si on y avait creusé une mine [10]... Le château possède une garnison, avec un châtelain, et sert dès les origines d’arsenal.
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La construction fut achevée vers 1202, c’est-à-dire avant l’enceinte de la rive droite, mais le château fut conçu pour s’articuler parfaitement avec elle : leurs murs sont exactement parallèles, une poterne dans la courtine orientale donne sur la ville (l’entrée principale étant sur la Seine), des bâtiments d’habitation destinés à la garnison viennent renforcer les courtines ouest et sud, plus exposées, tandis que le donjon est légèrement décentré vers le nord pour défendre la dernière courtine faible.
Le palais fortifié de la Cité ne défendait que lui-même, le Louvre défend désormais une grande ville qui s’est largement développée, surtout sur la rive droite. Cette forteresse modèle devint vite célèbre au point d’entrer dans l’imaginaire épique du temps : Raoul de Cambrai ou la Chanson de geste des Narbonnais la mentionnent comme « le maistre donjon » ou « le plus maistre donjon », tandis que le Pèlerinage de Charlemagne évoque « la plus halte tor de Paris la citet ». Le château finit par incarner la puissance militaire royale au point que l’on dit que les fiefs du royaume relèvent du roi « à cause de sa grosse tour du Louvre » [11]. Cet adage reste toutefois mystérieux, tant par son sens exact que par son origine. La causalité qu’il induit est étonnante. Peut-être faut-il plutôt comprendre à cause de l’hommage prêté dans la tour du Louvre ? On connaît cependant des hommages célèbres, tels celui d’Henri III en 1254 ou du comte de Flandre Robert de Béthune en 1320, qui eurent lieu au palais de la Cité [12]. En outre, tous les historiens s’accordent pour faire remonter cette tradition à Philippe Auguste, mais, à notre connaissance, aucun ne cite de référence érudite à ce sujet avant l’époque moderne [13]. Cet adage est manifestement l’expression d’une réalité médiévale qui a survécu à la destruction physique du donjon en 1527 – on ne peut rêver meilleure preuve de la valeur symbolique de ce type
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d’ouvrage [14] – mais qu’on est bien en peine de dater. La seule chose certaine, c’est que cette pratique ne remonte pas à Philippe Auguste, qui se sert du Louvre seulement comme arsenal et comme prison (les héritières du comté de Flandre y sont enfermées comme otages dès 1208, le comte de Flandre les rejoignant lui-même après sa défaite à Bouvines en 1214…) [15]. Cette tradition se maintient d’ailleurs puisque d’autres personnages aussi illustres que Gui de Dampierre (en 1295), Enguerran de Marigny (en 1315) ou Charles de Navarre (en 1353 et 1354-1357) firent ensuite honneur aux cachots de la grosse tour. Mais le Louvre étoffe précocement ses fonctions : Louis VIII y serre ses biens meubles « en or, en argent et en pièces de monnaie » avant 1225 [16] ; Louis IX commence à y résider et donne même au châtelain de la forteresse une juridiction civile éphémère avant la réorganisation de la prévôté de Paris dans les années 1260 [17] ; Philippe IV et Philippe V retirent le trésor du Temple pour l’y placer, en partie puis en totalité, entre 1295 et 1317 ; et Charles V respecte l’intégrité architecturale de la grosse tour lors de travaux qu’il entreprend au Louvre, alors qu’elle a pourtant perdu toute fonction militaire… Ces indices font penser que le lien entre cette tour et l’hommage des fiefs du royaume a dû s’établir avant le règne de Charles V.
Le Louvre s’identifie donc au cours des XIIIe et XIVe siècles avec la puissance féodale recouvrée des rois de France, tandis que le palais de la Cité représente leur souveraineté immémoriale.
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Cette dissociation des fonctions royales entre deux lieux de pouvoir se trouve renforcée par l’aménagement progressif du Louvre en résidence. Louis IX fait établir dans les bâtiments de la garnison une « grande salle », et, signe plus convaincant encore d’une occupation physique des lieux, une chapelle. Autre manifestation de la transformation du Louvre en résidence, des hôtels princiers commencent à apparaître aux alentours du château. Alphonse de Poitiers, frère de Louis IX, se fait construire l’un des premiers dès la seconde moitié du XIIIe siècle. Louis, duc de Bourbon, commence à bâtir son hôtel à partir de 1303 ; Enguerran de Marigny est exécuté en 1315 avant d’avoir pu achever le sien ; les comtes d’Alençon, de Hainaut, d’Etampes ou de la Marche suivront ensuite leur exemple [18].
A la fin du XIIIe siècle, le roi vit, se distrait, gouverne (aussi) au Louvre. La gêne occasionnée par les grands travaux engagés au palais de la Cité depuis 1294 renforce encore la fonction résidentielle – donc politique – du château qui accueille non seulement le roi, mais aussi les grandes assemblées qu’il convoque en mars puis en juin 1303 pour obtenir l’appui de ses sujets dans sa politique d’opposition au pape Boniface VIII [19]. Quant aux fêtes, le Louvre n’est pas en reste puisqu’on y joute dès 1284 pour la chevalerie du futur Philippe le Bel et que celui-ci, une fois roi, fait construire dès 1295 des lices dans les
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« basses cours » du Louvre, entre les fossés du château et les rues qui l’encadrent – lices qu’il pouvait observer depuis les tours. Elles furent notamment utilisées lors des fêtes données par Philippe IV pour l’inauguration du palais de la Cité et la chevalerie de ses fils, en 1313.
Si le Louvre devient un palais royal, il n’a pas le même caractère que celui de la Cité. Leurs traditions et leurs structures architecturales différenciées conduisent les rois à en faire des usages spécifiques. Dans les actes royaux, le premier demeure un castrum, tandis que second est un palatium [20]. Les travaux d’agrandissement ordonnés par Philippe le Bel et menés par Enguerran de Marigny dans l’ancien palais en ont fait un lieu propice à loger à la fois la maison royale, le personnel judiciaire et financier, ainsi que le personnel religieux desservant la Sainte Chapelle. La surface occupée par l’enclos palatial a désormais triplé et couvre presque cinq hectares – superficie qui restera identique jusqu’au XVIe siècle (carte 2). Le souverain n’a pas non plus ménagé sa peine pour l’embellir et, d’après Jean Guérout, « il n’est pas exagéré de dire que le palais de la Cité a été le Versailles de l’époque » [21]. Pour la première fois on note une nette distinction entre les fonctions des différents bâtiments. Philippe IV se fait bâtir un logis digne de ce nom à l’ouest du quadrilatère, dans la continuité de la chambre verte, qui donne sur les jardins de la pointe de l’île ; il attribue des espaces spécifiques à son administration judiciaire (chambre des enquêtes, grande chambre) et financière (chambre des comptes), regroupées au nord de l’enclos palatial, tandis qu’il repousse l’enceinte méridionale pour accueillir les maisons des chanoines de la Sainte Chapelle. La pièce maîtresse de ce nouvel ensemble est la nouvelle « grande salle » à deux étages, l’un voûté de pierre, l’autre de bois, dont la superficie extraordinaire (1785 m²) en fait la première grande salle d’Occident, devant celle de Westminster (1440 m²) et loin devant les autres, qui font en moyenne 100 à 200 m² [22]. L’étage supérieur, dont Androuet du Cerceau a laissé une gravure remarquable, est partagé en deux nefs et décoré des statues des rois de France [illustration 1] [23]. Henri Sauval s’émerveillait encore de la majesté de cette salle au XVIIIe siècle, plus d’un siècle après sa destruction par
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Illustration : Vue cavalière du palais de la Cité vers 1640 (gravure de Jean Boisseau)
Au premier plan, de gauche à droite, l’église Saint-Michel, les deux entrées et la tour de l’Horloge ; au second plan, la Sainte-Chapelle, les grands degrés et le toit à double pignon de la grande salle. Le donjon du XIIe siècle a disparu.
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l’incendie de 1618 [24]. Cette grande salle est le seul espace demeuré vraiment polyvalent, puisqu’elle sert d’antichambre au Parlement mais accueille aussi les festins lors des cérémonies royales. Ces espaces forment un tout organique, car ils sont reliés par de longues galeries : celle des merciers relie la Sainte Chapelle au bloc des bâtiments administratifs, celle des prisonniers relie ce dernier au logis du roi, tandis que les deux dernières contournent le grand préau et raccordent la « salle sur l’eau » construite par saint Louis au bloc précédent.
Il est logique que cet ensemble spacieux et fonctionnel ait retenu les rois et que, les travaux finis, les grandes assemblées se soient à nouveau réunies dans la grande salle, comme ce fut le cas pour celle des députés des villes venus approuver un impôt extraordinaire en 1314, ou celle qui accorda la couronne à Philippe le Long en 1316. Toutefois la fonction militaire de ce palais ne fait plus illusion : la nouvelle enceinte n’en finit plus de s’achever après ses multiples déplacements et elle se trouve percée de nombreuses fenêtres, car beaucoup de bâtiments s’appuient sur elle. Ses créneaux sont donc purement ornementaux. Il n’en va pas de même pour le Louvre qui a conservé le caractère martial de ses débuts. Sa position inexpugnable et son caractère incontesté de lieu de pouvoir en font un enjeu politique majeur lors des crises du XIVe siècle. Tenir le Louvre, c’est manifester sa prétention à la souveraineté, tout en se donnant les moyens de l’imposer à la ville. Ainsi, après la mort prématurée de Louis X, qui laisse derrière lui une veuve enceinte, Charles de Valois et Philippe le Long, candidats à la succession, se disputent l’occupation du Louvre. Le second finit par l’obtenir grâce à l’intervention du connétable Gautier de Châtillon, tandis que le premier se retranche dans le palais. Philippe obtient également que la reine Clémence de Hongrie accouche au Louvre, qui joue à plein, dans ce cas, son rôle de coffre-fort. La situation se reproduit presque à l’identique en 1328 lorsque Charles IV meurt en laissant encore une fois une reine enceinte. Philippe de Valois, désigné régent par les barons, n’a de cesse que de faire accoucher la reine à l’abri,
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Illustration : Intérieur de l’étage supérieur de la grande salle du palais de Cité, par Androuet du Cerceau (vers 1580).
On notera la double nef voûtée de bois, portée par des piliers ornés des statues des rois.
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c’est-à-dire au Louvre, toujours escortée du vieux connétable Gautier de Châtillon. De même, lorsqu’en janvier 1357 le dauphin Charles revient de son voyage à Metz dans un Paris agité par la révolte, il commence par s’installer au Louvre et négocie depuis la forteresse avec Etienne Marcel. Il quitte cependant ce refuge pour la Cité à la fin du mois afin de se concilier les Parisiens, mais il sait qu’il n’y est pas en sécurité – l’assassinat des maréchaux sous ses yeux le 22 février 1358, dans ses appartements privés du palais, prouve que ce dernier n’était pas une résidence sûre.
Il ne faudrait cependant pas opposer trop rigoureusement ces deux palais royaux. Leur opposition n’est nette que sur la question de la sécurité et de la localisation de l’administration. Pour le reste, ils sont interchangeables : Philippe VI évoque dans ses comptes « [son] hostel du Louvre », mais les rois, avant Charles V, n’abandonnent pas leur résidence de la Cité, ils ne sont pas chassés par les troubles ou par le développement continu de l’administration. Les fils de Philippe le Bel achevèrent réellement les travaux dans le palais en 1324 et Jean le Bon paraît avoir voué une affection particulière à ce palais qu’il n’imaginait pas priver de sa royale personne, puisqu’il fit surélever et décorer le logis du roi tout en aménageant les combles de la galerie des merciers pour en faire les appartements du dauphin (ce sont les « chambres à galathas » où eut lieu ensuite le meurtre des maréchaux) ; il fit également bâtir les locaux des services de l’hôtel et la tour de l’horloge, toujours visible actuellement au débouché du pont au change ; il fit enfin agrandir les locaux de la chambre des comptes pour y installer celle des monnaies.
Si les palais royaux se développent selon des modèles éprouvés ailleurs ou auparavant, ils innovent aussi, au point d’élaborer des formes palatiales originales.
Une architecture exemplaire
L’architecture royale est exemplaire à plusieurs titres, d’abord parce qu’elle est créatrice dans ses structures, mais surtout parce qu’elle sert une conception nouvelle du pouvoir, un pouvoir en représentation.
Le Louvre a été en son temps un prototype rapidement copié à travers la France. Le génie de Philippe Auguste a consisté à fondre dans un ouvrage des techniques développées auparavant séparément : la chemise traditionnelle du donjon est transformée en véritable courtine, renforcée de tours angulaires et médianes ; le donjon central classique devient une synthèse de la tour résidence et de la tour beffroi, puisqu’il est fort mais ne protège plus de résidence
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à ses pieds et comprend trois vastes salles à chaque étage, austères mais habitables, avec puits, cheminées, four à pain et latrines [25]. La grosse tour du Louvre devient le modèle même de la tour « philippienne », copiée partout en France à l’instigation du roi lui-même ou de ses émules, tandis que ce plan de forteresse se diffuse [26].
Mais les rois ont aussi innové dans la structure du logis, puisqu’elle reprend, sur un mode mineur, la distinction aula, capella, camera, comme une mise en abîme du palais dans le logis. Dans la Cité ces trois parties sont nettement identifiées après les travaux de Philippe le Bel, avec l’ensemble administratif groupé autour de la grande salle, l’ensemble religieux autour de la Sainte Chapelle et le logis royal ; mais les appartements royaux se décomposent à leur tour en « chambre de parement » (ou d’apparat) dans laquelle le souverain reçoit, oratoire privé où il fait ses dévotions et chambre de retrait, suivie de la chambre à coucher, où il recouvre son intimité par paliers. Dans le palais des Valois, il faut emprunter la galerie des merciers, puis celle des prisonniers pour accéder aux appartements royaux que l’on aborde par le nord et qui se présente comme une succession de pièces en enfilade ; la première pièce, au premier étage, est l’ancienne chambre verte – c’est la chambre d’apparat, tapissée de fleurs de lys – avec son oratoire ; de cette pièce on pénètre dans la chambre lambrissée de bois d’Irlande [de Baltique en fait] qui est la chambre de retrait précédant la chambre du roi proprement dite, qui donne elle-même au sud sur une tour contenant la librairie et peut-être la garde robe [27]. L’appartement de la reine suit la même disposition, au rez-de-chaussée.
Sans anticiper sur le nouveau système des résidences royales mis en place par Charles V à la fin du XIVe siècle, notons avec Mary
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Whiteley que cette structure se rencontre aussi au Louvre (carte 3) [28]. Les appartements royaux sont situés au second étage des nouveaux bâtiments appuyés sur la courtine nord ; on y accède par un escalier à vis qui donne dans une chambre à parer qui dessert une chambre de retrait et une autre au statut mal défini, la première, à l’ouest donnant accès à la chambre à coucher et une chapelle privée (le château possède une grande chapelle dans la courtine sud), la seconde, à l’est, donnant sur deux chambres à coucher. On notera que Charles V ne dormait pas dans la même pièce pour se reposer le jour (à l’ouest) et la nuit (à l’est). La librairie occupait la tour nord ouest, non loin de la chambre de jour. L’appartement de la reine était symétrique, à l’étage inférieur. Cette structure en appartements se retrouve aussi, verticalement cette fois, dans la tour du château de Vincennes [29].
Il semble que cette répartition de l’espace du logis palatial en appartement soit inconnue des demeures princières antérieures – tout au plus connaît-on une « chambre de parement » dans le palais des papes à partir de 1342 et c’est au XVe siècle seulement que les princes structurent à leur tour leur logis sur ce modèle [30]. C’est bien la preuve que cette disposition est propre à un type de pouvoir à la fois fortement incarné et qui commence en même temps à distinguer la personne de la fonction : le roi tient conseil dans sa chambre de parement, dîne en petit comité avec des souverains étrangers dans sa chambre de
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retrait [31], mais est seul dans sa chambre à coucher. En même temps, cette nouvelle répartition des espaces tend à modifier leur hiérarchie en dépossédant la grande salle de sa primauté au profit du logis du roi. Le pouvoir ne s’incarne plus simplement dans un homme, il est mis en scène dans la vie de cour et les bâtiments sont désormais conçus pour s’adapter à cette nouvelle liturgie du pouvoir.
Cette scénographie du pouvoir peut être mise en évidence par le rôle que jouent les « grands degrés » et les statues dans les palais royaux. Là encore on note une grande parenté entre le palais de la Cité et le Louvre, en dépit de leur topographie très différente [32].
Dans le nouveau palais de Philippe le Bel, les degrés acquièrent une place majeure dans la mise en scène du pouvoir. Avant ces remaniements, il n’existait qu’un escalier dans la grande cour, celui qui menait directement au premier étage de la grande salle. C’était une simple volée de marches étroites. Le roi ouvre un nouvel accès aux bâtiments palatiaux en perçant une entrée au premier étage de la galerie mercière : il s’agit pour lui de créer une entrée monumentale aux appartements royaux. Les grands degrés se situent en effet en face de la porte principale du palais, aboutissent au bout de la galerie mercière qui mène, via la galerie des prisonniers, jusqu’au logis du roi. L’escalier, que l’on peut encore voir à l’arrière plan du retable du parlement de Paris au musée du Louvre, est composé de trois pans, avec une rampe d’appui pleine au bord ; il est perpendiculaire à la galerie des merciers, alors que les escaliers extérieurs sont en général parallèles au bâtiment. C’est une forme originale qu’on ne trouve nulle part ailleurs, mais qui tend à devenir rapidement, dans les architectures imaginaires de l’iconographie, le prototype de l’escalier royal. Ces grands degrés ont une place de choix dans les cérémonies : ils sont l’aboutissement des entrées royales après le sacre ; c’est sur le perron de marbre, au pied des marches, que le roi accueille ses hôtes de marque et les trois volées lui permettent de les monter en même temps que lui ; le roi se tient parfois sur ce perron pour attendre les processions de bourgeois venus l’honorer, comme ce fut le cas en juin 1313 et en mai 1323 – l’association même avec les grands degrés d’une telle pierre de justice, sur laquelle l’huissier du parlement a coutume d’annoncer publiquement les décrets, où les publications de paix sont criées et où on expose parfois les corps de certains
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suppliciés, achève de rehausser leur solennité [33]. Leur majesté éclipse le modeste escalier qui mène à la grande salle, ce qui ne surprend guère après ce que l’on a constaté à propos de la place croissante de la chambre de parement dans les cérémonies de cour.
Au Louvre, l’espace manquait pour reproduire un tel monument à cause des vastes douves de la grosse tour. Raymond du Temple, l’architecte de Charles V, dut alors inventer une solution, qui fit florès ensuite : il remplaça les degrés droits par un escalier à vis, ajouré et à demi hors d’œuvre, ce qui permettait au roi de monter solennellement à ses appartements, en restant visible de tous. Ce chef d’œuvre architectural avait lui aussi une place de choix dans le cérémonial curial, si on en croit Christine de Pisan. Le roi arrivait au Louvre par la porte méridionale et traversait toute la cour pour monter solennellement à ses appartements par la grande vis ; il dormait dans la chambre de nuit à l’est et était ainsi réveillé par l’aurore, les officiers de corps entraient alors pour l’habiller ; il faisait ensuite ses dévotions privées avec son chapelain, ressortait par la grande vis et traversait la cour à 8 heures pour écouter la messe dans la grande chapelle dans l’aile méridionale, après quoi il était accessible aux requêtes de ses sujets (le Louvre semble presque aussi ouvert que le palais [34]). Lorsqu’il y avait
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Illustration : Les grands degrés menant à la galerie des merciers du palais de la Cité représentés à l’arrière-plan du retable du parlement de Paris, vers 1452.
Les combles de ces galeries sont aménagés par Jean le Bon pour accueillir le dauphin. A gauche, on distingue la grosse tour du XIIe siècle.
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conseil public, il se rendait dans la grande chambre dans l’aile occidentale ; il dînait vers 10 heures (l’horloge du Louvre régulait le temps curial avec précision), dans la grande salle s’il y avait des festivités particulières, sinon dans la salle d’apparat de ses appartements – il mangeait toujours seul à table, sauf s’il avait un hôte de marque. C’est là aussi qu’il tenait audience des visiteurs officiels, puis prenait un repos dans sa chambre de jour. Il tenait son conseil dans la chambre de retrait, mais nul n’était autorisé à aller plus loin dans ses appartements sans autorisation formelle. Venaient ensuite les moments de détente dans sa bibliothèque ou à contempler ses joyaux dans la grosse tour, puis la promenade dans ses jardins. Un souper léger dans sa chambre privée précédait le coucher [35]. La grande vis a donc une place de choix dans l’étiquette de cour : c’est le pivot des déplacements du roi qui articule espace public et espace privé. Il semble que le roi l’empruntait volontiers, mais il pouvait aussi passer par des petits escaliers intérieurs et des galeries extérieures lorsqu’il voulait se déplacer discrètement ; c’est l’un d’eux qu’il utilise pour rejoindre la chambre de la reine, à l’étage inférieur.
Ces deux escaliers étaient ornés de statues et participaient aussi, par cette décoration, à la mise en scène iconographique du pouvoir. Là encore, c’est Philippe le Bel qui innove dans son palais de la Cité. Lorsqu’on gravit les grands degrés de la cour du Mai, on commence par trouver les statues qui parent cette entrée. Cette porte et son décor sont comparables à ceux d’une église, ce qui sied bien à la liturgie royale : il s’agit d’une baie double, surmontée d’un grand arc brisé avec un tympan orné de trilobes, avec trois statues dans des niches à dais. Ce ne sont pas des saints, mais des personnages profanes : Philippe IV est au centre, avec à sa gauche une niche vide qui a dû accueillir la statue d’Enguerran de Marigny avant que ses adversaires ne l’en délogent, et à sa droite, un roi qui est probablement Louis X le Hutin [36]. Ce programme iconographique n’est qu’un avant goût de celui de la grande salle, dotée d’une véritable galerie des rois comme celle de la cathédrale voisine : chaque pilier et chaque demi-colonne engagée dans les murs porte une niche à dais avec une statue. Le cycle des rois comprend, sous Philippe le Bel, 58 souverains, placés par ordre chronologique depuis Pharamond à partir de la grande table de marbre à l’ouest. Ce programme et le projet politique qu’il suppose s’apparentent à celui des tombeaux royaux de Saint-Denis, remaniés par ce même roi. De même que la généalogie de pierre de la nécropole royale manipule les filiations pour faire ressortir les liens qui unissent les
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trois races de rois qui se sont succédées au trône [37], de même la galerie des rois du palais prend des libertés avec la généalogie en oubliant six rois, tant Carolingiens que Robertiens qui ont tous en commun d’avoir régné au moment de la longue transition entre les deux dynasties [38]. Effacer cette période, c’est mettre en avant la nécessité biologique au détriment de la causalité politique pour expliquer la succession d’une dynastie à l’autre.
Charles V, ici encore, fut un digne émule de Philippe le Bel. La grande vis du Louvre est décorée de dix grandes statues extérieures : en bas, deux sergents d’armes gardent l’accès aux appartements royaux pour l’éternité – la tradition veut que l’un d’eux soit son maître maçon Raymond du Temple – tandis que, en élévation, le roi et la reine sont représentés au centre, encadrés de part et d’autre par les plus proches successeurs au trône, les ducs d’Anjou, de Berry, de Bourgogne et de Bourbon. C’est encore une fois un portrait de famille en pierre. Ce roi sage n’a pas ménagé sa peine pour travailler à la propagande royale et a multiplié les effigies à son image sur les bâtiments royaux : outre ses statues de l’escalier de la cour du Louvre, le couple royal s’est fait représenter, grandeur nature, sur les tours qui encadrent la grande entrée méridionale du château, mais aussi sur le châtelet d’entrée de la tour de Vincennes, sur la poterne est de la Bastille [39], ou encore sur le portail de l’église des Célestins…
L’architecture palatiale dans la capitale au XIVe siècle est le fidèle reflet des transformations de la conception du pouvoir royal qui se veut de
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plus en plus ritualisé dans une étiquette qui fait ressortir sa majesté. Charles V porte à un degré supérieur une tendance décelable dès Philippe le Bel. C’est aussi sous le règne de ce roi bâtisseur que l’espace palatial se trouve démultiplié dans la capitale à un point jamais atteint jusqu’alors et jamais dépassé ensuite au Moyen Age.
La démultiplication des palais royaux à Paris dans le second XIVe siècle
Il est temps de préciser en quoi ont consisté les travaux de Charles V. Ils résultent de la conjonction de circonstances impérieuses et de la volonté royale.
La conjoncture politique très troublée des années 1350, avec la capture du roi Jean, la menace des chevauchées anglaises et la révolte des Parisiens menée par Etienne Marcel conduisent Jean II, dans les dernières années de son règne entre 1360 et 1364, et surtout Charles V ensuite, à étoffer le dispositif défensif de la capitale, ce qui les amènent à repenser le système des résidences royales dans la ville. Le plus urgent est de protéger Paris, dont la population a décuplé depuis le règne de Philippe Auguste, de la menace des gens d’armes. L’initiative du tracé d’un nouveau rempart sur la rive droite, la plus populeuse, revient au prévôt des marchands Etienne Marcel. Il enclôt désormais les faubourgs de la ville. Dans l’urgence, on creuse un fossé surmonté d’un talus ; Charles, d’abord dauphin, puis roi, assumera ensuite l’essentiel de la construction de l’enceinte, entre 1358 et 1380. Peu après son retour de captivité en 1360, Jean II décide de la construction dans son manoir de Vincennes d’un grand donjon de 50 mètres de haut, avec son enceinte, afin que le roi puisse y recouvrer sa liberté en cas de révolte dans la capitale, tout en demeurant à l’abri des routiers [40]. Cette tour fut achevée en 1369. Pour accéder à cette nouvelle forteresse, il convenait d’en protéger la route, c’est pourquoi Charles V renforça la fortification de la porte Saint-Antoine qui se trouvait à l’est du nouveau rempart, sur la route de Vincennes. La nouvelle forteresse servait autant à renforcer l’enceinte de la capitale que de refuge et de point d’appui contre d’éventuels émeutiers, tout en permettant de sortir discrètement de la ville. Cette bastille fut achevée, comme l’enceinte, par le jeune Charles VI.
Charles V réorganisa les séjours royaux dans ce nouveau contexte. Les modifications de l’ancien dispositif de défense avaient dépossédé le Louvre de sa fonction militaire, puisqu’il se trouvait désormais dans
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la ville et même assez loin du rempart ; le roi le transforma en un palais somptueux entre 1360 et 1371 : il fit construire deux ailes neuves au nord et à l’est pour accueillir ses appartements et ceux de la cour, surélever les anciennes courtines, percer les murs de larges fenêtres, ouvrir deux poternes au nord et à l’ouest, rehausser les tours de tourelles, construire des galeries extérieures et de nombreux escaliers intérieurs, ainsi que la grande vis dont il a été question plus haut, ajouter deux tours carrées de part et d’autre de la poterne orientale, planter un grand jardin dans la basse cour nord – sans compter les décorations qui vinrent embellir le tout. Il fait de cette résidence martiale un palais agréable et solennel, propre à faire honneur à la majesté royale.
Au même moment il entreprend la construction d’un hôtel princier à son usage dans la paroisse Saint-Pol, à l’est de la ville (carte 4) – une fois n’est pas coutume, le modèle architectural n’est pas original, en revanche Charles V inaugure une tradition de séjour royal à Paris dans une résidence strictement civile. Il acquiert entre 1360 et 1365 les hôtels particuliers du comte d’Etampes, de l’abbé de Saint-Maur et de l’archevêque de Sens, voisins, pour former sa propre demeure qui est élevée par ordonnance au rang de résidence royale et unie au domaine [41]. On ne possède aucun plan de l’hôtel Saint-Pol, mais il se composait d’une série de bâtiments et de cours, complètement remaniés après la phase de remembrement urbain, qui occupait tout un pâté de maison, de la Seine à la rue Saint-Antoine. L’entrée principale se trouvait rue Saint-Pol ; on débouchait dans une première cour entourée de petites maisons ; au fond, un bâtiment donnait accès à une autre cour, avec une fontaine ; puis venait le corps de logis principal avec une tour carrée à plusieurs étages et de grandes galeries ; suivaient encore des cours intérieurs et des maisons, et enfin les jardins. Le roi et la reine avaient chacun leur logis. Les appartements étaient décorés de fresques avec des scènes courtoises représentant des chasses, les aventures du Chevalier au cygne ou de Charlemagne [42]...
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L’ensemble était clos, comme toutes les maisons parisiennes, mais loin d’être fortifié.
Après une pose à la fin des années 1360, les chantiers royaux reprirent. La tour de Vincennes était à peine achevée que Charles V décida, en 1373, de l’englober dans un vaste château recouvrant une surface de 10 hectares. Son enceinte forme un rectangle parfait, ponctué de 9 grandes tours carrées d’une quarantaine de mètres de hauteur, qui ressemblent plus à des donjons qu’à de simples tours de flanquement. Le roi fit aussi bâtir une Sainte Chapelle en son sein. L’ensemble est achevé vers 1380.
On peut s’interroger sur le sens de cette frénésie de construction. Le caprice du prince y a une part certaine – bâtir paraît être une véritable passion pour Charles V qui s’employa aussi à rénover ou construire d’autres édifices à Beauté, Saint-Ouen, Saint-Germain-en-Laye, Creil, Montargis, Melun et dans bien d’autres lieux encore. Christine de Pisan ne loua-t-elle pas la science ce roi architecte [43] ? Cela n’exclut pas d’y déceler une rationalité politique.
Ce n’est pas le goût du confort qui a poussé Charles V à abandonner le palais de la Cité, puisque Jean le Bon y vivait à l’aise et venait de le rénover. Ce n’est pas non plus la croissance de l’administration royale qui l’a chassé, car le développement de l’Etat marque le pas dans la seconde moitié du XIVe siècle – d’ailleurs la moitié seulement de l’enclos palatial est bâtie... La tradition historiographique veut que Charles V ait renoncé à habiter le vieux palais après les épisodes traumatisants qu’il y avait vécu en 1358. La mémoire des lieux a dû contribuer à le faire partir. Ces souvenirs ne le hantent cependant pas au point de renoncer à habiter son luxueux hôtel Saint-Pol, pourtant totalement dépourvu de défense. S’il cherchait une résidence confortable et sûre, le Louvre aurait dû lui suffire, car il demeurait encore assez fort pour résister à des émeutiers. De même, la volonté de protéger Paris n’explique pas sa décision de doter après coup la tour de Vincennes d’un immense château…
Il semble plutôt que son goût pour les bâtiments, qui confine au vice, ait été mis au service du prestige de la royauté. Selon une antique tradition, la puissance politique s’exprime dans la pierre et l’admiration que suscitent ces grandes architectures rejaillit sur leur royal ordonnateur. Construire le grand donjon de Vincennes entre 1361 et 1369, au moment où le royaume est ruiné par l’énorme rançon qu’il doit verser pour la capture de Jean le Bon, est un message politique fort –
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d’autant que le coût de la construction correspond à peu près à l’arriéré jamais payé de la rançon [44]… La charge symbolique des grandes réalisations royales apparaît clairement lors de la visite de l’empereur Charles IV à Paris, telle que la rapporte Christine de Pisan : Charles V n’a de cesse, après avoir accueilli et logé solennellement son oncle au palais, de lui faire les honneurs du Louvre, puis de l’hôtel Saint-Pol et enfin de Vincennes, que l’empereur admire beaucoup [45].
Au delà de cette politique de prestige, on a cru discerner dans la nouvelle articulation des palais royaux dans Paris la distinction progressive des deux corps du roi.
Cette théorie du pouvoir qui pose le principe de l’unité, en la personne du roi, du corps naturel, faible et mortel, et du corps mystique, parfait et immortel n’est formulée explicitement qu’au XVIe siècle en Angleterre, mais on peut en déceler les prolégomènes en France au XIVe siècle [46]. L’idée d’une distinction entre la personne et la fonction se manifeste à travers l’exaltation de la Couronne, entité abstraite représentant la souveraineté et ses implications politiques et territoriales. Le domaine et les prérogatives royales apparaissent peu à peu comme inaliénables parce que la personne physique du roi ne les possède pas comme héritage, mais en est seulement l’usufruitière. Cette idéologie politique fait son chemin à la faveur des difficultés de la royauté, en particulier sous le règne de Jean le Bon : il est le premier roi à avoir introduit un serment d’inaliénabilité du domaine dans la cérémonie du sacre, tandis que les principes réformateurs des Etats généraux des années 1356-1357 imposent à son fils, le dauphin Charles, l’interdiction d’aliéner le royaume et la nécessité de distinguer les deniers levés par l’impôt extraordinaire, destinés au bien commun, des revenus de son domaine, dont il peut user à sa guise. Charles V s’appuiera sur ces théories juridiques pour contester ensuite la légitimité du traité de Brétigny par lequel le roi de France avait cédé au roi d’Angleterre en pleine souveraineté une grande partie de son royaume. En cette période de reflux du pouvoir royal, le roi sage voue un véritable culte à la couronne : juste après la défaite de
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1356, il ordonne la fabrication d’une speciosissima corona pour laquelle il fait rechercher les pierres les plus belles du royaume, alors qu’il n’est que le dauphin d’un royaume meurtri ; roi, il en possèdera 27 dans son trésor [47]…
Or Raymond Cazelles constate que c’est un dauphin et non un roi qui a fait bâtir l’hôtel Saint-Pol, qui est une demeure princière plus qu’un palais ; il note aussi que Charles l’occupa surtout lorsqu’il n’avait pas ou peu de pouvoir : avant son couronnement (1360-1364), et dans la première partie de son règne, avant son règne personnel. En revanche, après 1373, quand il prend vraiment en main les rênes du pouvoir, il cesse presque de résider à Saint-Pol, pour investir le Louvre ou Vincennes : « Le palais de la Cité et l’hôtel Saint-Pol sont deux projections de la couronne royale. Dans le premier on administre et on décide. Dans le second on accueille, on parle, on propose, on reçoit les solliciteurs (…). Cette dualité est bien marquée aussi dans l’ordonnance sur la majorité des rois de France en 1374. La régence, en cas de minorité, est donnée au duc d’Anjou. Le roi mineur et son conseil de tutelle reçoivent Paris, la ville et la vicomté, donc Saint-Pol. Mais on en excepte le palais de Paris, car il est précisé que le régent, exclu de toute autorité dans la capitale, aura cependant pouvoir sur le palais royal, la cour de Parlement, les chambres des enquêtes et des requêtes du Palais, la Chambre des comptes et le Trésor. C’est séparer de la fonction royale le gouvernement » [48]. En somme, les deux corps du roi n’habiteraient plus sous le même toit…
La thèse est séduisante, mais les faits résistent à cette rationalisation rétrospective, car elle ne prend pas en compte les autres résidences royales de la capitale qui font pourtant partie du réseau palatial – Charles V aurait même envisagé en 1379 la construction d’un pont reliant le palais de la Cité au Louvre [49]. On pourrait faire remarquer aussi que la césure chronologique n’est pas aussi nette, puisque les cinq enfants du roi, dont le dernier est né en 1378, ont tous vu le jour à Saint-Pol [50]. Par ailleurs, un décompte des lieux où sont passés les mandements de Charles V montre que le roi continue à habiter Saint Pol à la fin de son règne, même s’il privilégie nettement Vincennes [51]. Mais on est surtout confondu par l’évidente interchangeabilité des séjours royaux que manifestent l’imprécision
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indifférente du scribe, qui situe l’acte « à Paris » dans la majorité des cas, et la similitude dans les structures de ces résidences. On retrouve à Saint-Pol et à Vincennes la distribution des appartements royaux en chambre de parement / de retrait / à coucher. Partout la fonction récréative, donc résidentielle, est représentée : par des jardins dans la Cité, au Louvre et à Saint-Pol, par une librairie au Louvre et à Vincennes, par une ménagerie au Louvre et à Saint-Pol. Enfin, la fonction politique traditionnelle s’exprime architecturalement par l’existence d’une tour [52] et d’une « grande salle » (sans parler de la chambre d’apparat) que l’on retrouve partout, même si on peut pondérer son importance avec ses dimensions : près de 70 mètres de long dans la Cité, 30 mètres au Louvre, 15 mètres à Saint-Pol… Cependant, s’il est vrai qu’on ne note pas d’événement politique important à l’hôtel Saint-Pol sous le règne de Charles V [53], il n’en est pas de même pour le Louvre, où le chancelier Pierre d’Orgemont fut élu solennellement par une assemblée d’une centaine de dignitaires en 1373 et où le roi réunit princes et prélats pour statuer sur le grand schisme en 1378 [54].
La royauté hésite, sous le règne de Charles V, entre une séparation physique et une fusion des deux corps du roi – ce que l’on peut interpréter rétrospectivement comme une tension entre modèle Elisabéthain et Louis-Quatorzien. En effet, le projet politique que sous-tend l’architecture du château de Vincennes, tel que l’a mis à jour Jean Chapelot, montre que le roi sage avait le projet d’en faire un palais idéal, une petite capitale tout entière consacrée à la personne royale et à l’exercice du gouvernement. Les parfaites proportions des remparts, leur forme rectangulaire, l’extraordinaire (et inutile) hauteur des tours de flanquement, elles-mêmes rectangulaires ou carrées, tout manifeste, dans le dessin du château, le souci d’une perfection formelle qui n’a qu’un rapport lointain avec la poliorcétique. On estime en effet qu’une hauteur d’escarpe de 8 à 9 mètres est suffisante pour empêcher toute escalade, ce qui rend les tours supérieures à 20 mètres inutiles du point de vue défensif. Or à
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Vincennes, les tours surplombent les courtines de 27 mètres, le sol de 42 mètres et les fossés de 54 ! Par ailleurs, les formes géométriques, en particulier le plan carré et ses dérivés, expriment la perfection même et permettent une articulation visuelle des masses de maçonnerie propre à impressionner le spectateur. Ce souci de symbolisme architectural se constate dès la fin du XIIe siècle et le Louvre paraît en avoir été un bel exemple, tant à sa naissance (plan carré, monumentalité du front d’accès avec les tours jumelles en fer à cheval) que lors de sa transformation en palais par Charles V (le double couronnement des tours, décor sculpté manifestant la richesse du maître des lieux). Vincennes apparaît au XIVe siècle comme une citation de ce type d’architecture [illustration 2] [55]. Les 9 grosses tours carrées de l’enceinte sont en fait conçues pour servir autant à la défense qu’à la résidence et sont destinées à loger les princes avec leur suite ainsi que l’administration royale. Le roi dispose au total d’une surface habitable de 20 000 m², ce qui fait du château de Vincennes la plus grande résidence des rois et la rend comparable au palais des papes d’Avignon. Le roi souhaitait probablement y transporter sa personne et son gouvernement, vivre au milieu de ses fidèles conseillers, loin des pressions qu’il subissait dans Paris : comme le dit Christine de Pisan, « il avoit intencion de faire ville fermée et la aroit establie en beaux manoirs la demeure de plusieurs chevaliers et autres des mieulz amés et à chacun y asseuroit rente à vie selon leur personne » [56].
Ce projet utopique trouva un début de réalisation à la fin du règne de Charles V et au début de celui de Charles VI, qui résida régulièrement à Vincennes, mais se trouva compromis par la vacance du pouvoir au XVe siècle.
Le statu quo jusqu’au début du XVIe siècle
Le XVe siècle marque un coup d’arrêt au développement du réseau palatial parisien. La folie du roi à partir de 1392, la lutte des princes pour dominer le conseil et la guerre civile qui s’ensuivit, l’occupation anglaise qu’elle entraîna enfin et la fuite du roi au sud de la Loire perturbèrent considérablement la belle organisation palatiale mise sur pied par Charles V.
Un seul trait demeure : l’abandon de la Cité par les rois. Abandon encore relatif au début du XVe siècle, car Louis d’Orléans, avant son
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Illustration : Vue cavalière du château de Vincennes, par Androuet du Cerceau (vers 1580).
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assassinat en 1407, y a ses appartements aux côtés de ceux du roi qui y fait de fréquents séjours, notamment en 1410. Quant au duc de Bedford, régent au nom du petit roi anglais Henri VI, il y établit aussi sa résidence en 1422 [57]. Mais ce palais paraît de plus en plus voué aux cérémonies solennelles et à l’exercice de la justice royale, ce dernier aspect s’effaçant sous l’occupation anglaise avec le déplacement du Parlement à Poitiers. Le somptueux palais de Jean le Bon tombe alors doucement en ruine.
L’hôtel Saint-Pol devient plus que jamais le siège d’un pouvoir royal mineur : c’est la résidence favorite du roi fou, puis de la reine Isabeau de Bavière qui y vit recluse de 1423 à 1435, après la mort de celui-ci. Charles VI fait certes des séjours au Louvre, comme le suggère la décision de poser un petit grillage aux fenêtres de son appartement en 1398, mais, fait significatif, 6 de ses 12 enfants sont nés à Saint-Pol (sans compter sa fille bâtarde, née d’Odette de Champdivers), contre un seulement au Louvre… en 1389, c’est-à-dire avant sa folie [58]. Le couple d’enfants royaux formé par Henri VI d’Angleterre et Catherine de France, fille de Charles VI, y réside un temps, en 1423. L’hôtel Saint-Pol avait finit par incarner cette période tragique de l’histoire de la royauté et les successeurs de Charles VI évitèrent de l’habiter, tant ce lieu semblait être le tombeau de la souveraineté. Pourtant ils ne perdirent pas l’habitude initiée par Charles V de résider dans des hôtels princiers plus confortables et moins solennels que les palais royaux : Charles VII et ses successeurs logèrent ensuite dans l’hôtel neuf ou l’hôtel des Tournelles, tous deux voisins de l’hôtel Saint-Pol (carte 4).
Vincennes perd de son importance politique avec la folie de Charles VI et retourne à la fonction strictement militaire qui avait présidé à la fortification du manoir par Jean le Bon. L’occupation anglaise marque une parenthèse dans ce destin militaire, puisque Henri V en fait le siège de son gouvernement après le traité de Troyes en 1420 et que son fils Henri VI y mène une cour brillante dans les années 1430, avant que le château ne retombe aux mains de Charles VII en février 1436.
Reste le Louvre. La seconde guerre de Cent ans et les troubles qui eurent lieu dans la capitale lui rendirent en partie son rôle de palais-forteresse : lorsque la reine et le duc de Berry ramènent le roi dans un Paris acquis au duc de Bourgogne en août 1408, ils s’installent au Louvre et y tiennent une assemblée solennelle pour réhabiliter la
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mémoire de Louis d’Orléans contre les accusations de tyrannicide lancée par Jean Petit en mars précédent ; en 1413, les Armagnacs de retour dans la capitale après les excès de la révolte cabochienne assignent à résidence au Louvre le dauphin Louis de Guyenne, qui avait des velléités d’indépendance [59] ; c’est là encore que les Bourguignons mettent sous surveillance Charles VI en juin/juillet 1418. Ce palais conserve aussi son rôle de prison, en dépit de la concurrence que lui fait la Bastille : les Parisiens y enferment, entre autres endroits, les mauvais conseillers (parmi lesquels le propre frère de la reine, le chancelier et le duc de Bar !) en 1413, puis les Armagnacs en 1418.
Outre la désorganisation du réseau palatial parisien, la seconde guerre de Cent ans eut pour effet d’éloigner les rois de France de leur capitale pendant des décennies, ce qui les conduisit à privilégier leur réseau de résidences provinciales, en particulier dans le val de Loire, au détriment de celui de leur capitale. Les palais royaux de la ville se détériorent lentement, quand ils ne disparaissent pas, comme l’hôtel Saint-Pol, peu à peu démembré dès le règne de Charles VII. Le Louvre lui-même est annexé par les officiers du Châtelet venu y trouver refuge en 1494, avant d’être envahi par son arsenal qui déborde, avec les guerres d’Italie, de la basse cour qui lui avait été assignée, dans les appartements royaux [60]. Louis XII est le premier à se soucier de lui rendre un peu de sa majesté passée et fait remettre des vitraux à la chapelle et rénover la grande salle.
L’espace royal a toujours été éclaté au Moyen Age, puisque les regalia se trouvaient dès les origines à Saint-Denis ; toutefois cette tendance à la dispersion s’accentue brutalement aux XIIIe et XIVe siècles et, au delà des circonstances particulières, il est évident que cette multiplication des lieux de pouvoirs dans la capitale est un effet de l’affirmation de la royauté. Non pas que le berceau historique du pouvoir, dans la Cité, ait épuisé ses capacités d’expansion, mais l’expression de sa puissance passe par le déploiement de la majesté royale à travers l’espace parisien. Le réseau des palais royaux atteint son apogée sous Charles V, à la fin du XIVe siècle. Le roi sage semble hésiter entre un usage différencié de ses résidences parisiennes, matérialisant les facettes de la fonction royale – la résidence privée à Saint-Pol, l’exercice de la justice dans la Cité, le gouvernement à Vincennes ou au Louvre – et la volonté de rassembler toutes ces
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fonctions autour de sa personne, mise en scène par une étiquette rigoureuse, dans des bâtiments polyvalents.
On peut se demander si Charles V a instauré un système palatial durable, tant l’usage que font les princes des bâtiments qui sont à leur disposition varie en fonction de leurs fantaisies. La seconde partie de la guerre de Cent apparaît en outre comme une parenthèse désenchantée qui interrompt brutalement ce mouvement séculaire de développement des palais royaux tout en perturbant l’organisation de leur réseau. Pourtant, force est de constater que son fils suit son exemple au début de son règne, avant de sombrer dans la folie et que ses successeurs de la fin du XVe siècle conservent l’habitude de loger dans des hôtels princiers strictement civils, tandis que le Louvre et Vincennes servent de matrice architecturale à bien d’autres demeures. Le XIVe siècle est donc une période fondatrice en matière d’architecture palatiale, qui inaugure une double tradition : celle d’une organisation en appartements du logis royal et celle de la résidence dans des demeures non fortifiées qu’on ose à peine qualifier de palais. Ces deux innovations structurent l’habitat princier jusqu’au XVIIIe siècle [61]. Ces tendances au dévoilement et au repliement peuvent paraître contradictoires puisque la spécialisation des pièces est le produit d’une mise en scène de la personne royale, tandis que le goût pour les résidences civiles semble manifester un refus de cette liturgie politique – mais il est clair que cette banalisation de la résidence royale n’est que la contrepartie nécessaire d’une transformation profonde de la conception du pouvoir, comme si la raideur de l’étiquette devait trouver son antidote dans la simplicité d’une vie ordinaire. Cette nouvelle conception de la politique met en avant la majesté royale des rituels dans un cadre architectural complexe, s’appuyant sur un réseau d’escaliers, de galeries et de décors recherchés, qui est, comme d’habitude, le plus fidèle auxiliaire du pouvoir.
Boris Bove, Université de Paris VIII
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Annexe : Les lieux de résidences de Charles V d’après ses mandements
Lieu | 1364-1367 | 1376-1380 |
---|---|---|
Paris | 292 | 299 |
Cité (chambre des comptes, Parlement) | 2 | 7 |
Louvre | 17 | 24 |
Saint-Pol | 40 | 27 |
Vincennes | 16 | 132 |
Autre | 69 | 238 |
Total | 436 | 727 |
Total à Paris | 367 | 489 |
Source : Léopold Delisle, Mandements et actes divers de Charles V, Paris, 1874.
Notes
[1] Jean Mesqui, Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence, Paris, Picard, 2 vol., t. II, 1993, p. 11 et suiv. ; Châteaux forts et fortifications en France, Paris, Flammarion, 1997, p. 277-279.
[2] Robert-Henry Bautier, « Quand et comment Paris devint capitale », dans Bull. de la Soc. d’Histoire de Paris, 1978, 105, p.17-46. Olivier Guyotjeannin, « Résidences et palais des premiers Capétiens en Ile-de-France », dans Vincennes, aux origines de l’Etat moderne, éd. J. Chapelot et E. Lalou, Paris, Presses de l’ENS, 1996, p. 123-136. Les actes de ce colloque sont remarquablement utiles pour la question qui nous intéresse ici.
[3] On me pardonnera aisément, dans une publication des PUV, d’ajouter Vincennes à la liste des palais parisiens, mais cette résidence, bien qu’un peu plus éloignée des autres, fait partie du réseau des demeures royales dans la capitale.
[4] Cité d’après Herbert Hoffbauer et alii, Paris à travers les âges, 1875-1884, rééd. Bibliothèque de l’image, 1998, p. 151. Le texte a été établi par des historiens positivistes spécialistes de l’histoire parisienne, tels que Alfred Bonnardot, Jules Cousin, Alfred Franklin, Albert Lenoir ou Lazare-Maurice Tisserand, et apporte par conséquent de nombreuses informations assez sûres, même si leur interprétation a souvent vieilli, en particulier sur les événements qui se déroulèrent dans ces lieux remarquables. Ces informations étant puisées aux meilleures sources (chroniques, trésor des chartes, comptes royaux, etc.), il nous a paru inutile dans cet article de synthèse de rechercher à chaque fois les références érudites qui appuient l’argumentation.
[5] Jean Guérout, Le palais de la Cité à Paris des origines à 1417. Essai topographique et archéologique, dans Paris et Ile-de-France. Mémoires, I, 1949, p. 83-101 et III, 1951, p. 32. Cet ouvrage, paru en trois épisodes, est remarquable pour la description topographique du palais. L’érudition de M. Guérout butte toutefois sur l’impossibilité de fouiller intégralement le site, par conséquent le conditionnel est souvent de rigueur dans la datation ou même la reconstitution des différents bâtiments qui composent le palais.
[6] J. Guérout, Le palais, op. cit., I, p. 132-140 et J. Mesqui, Châteaux forts et fortifications, op. cit., p. 283.
[7] J. Mesqui, Châteaux forts et fortifications, op. cit., p. 283-286.
[8] L’importance croissante de Paris dans les séjours royaux peut se mesurer au nombre d’actes qui y sont enregistrés : sous le règne d’Hugues Capet, 2 actes officiels sur 11 ont été établis à Paris, 7 sur 45 seulement sous Robert le Pieux, mais 15 sur 62 sous Henri Ier, 30 sur 120 sous Philippe Ier et 108 sur 239 sous Louis VI (O. Guyotjeannin, « Résidences et palais », op. cit., p. 136). Henri Sauval, Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, Paris, 1724, rééd. Genève, Minkoff, 1973, p. 5.
[9] John Baldwin, Philippe Auguste et son gouvernement, 1986, trad. 1991, Paris, Fayard, p. 380-383.
[10] Michel Fleury, « Le Louvre de Philippe Auguste à François Ier », dans Le Louvre des rois. De la forteresse de Philippe Auguste au palais-musée de Louis XVI, Dijon, Faton, 1995, p 19.
[11] Louis Hautecœur, Le Louvre. Le château, le Palais, le musée, des origines à nos jours (1200-1928), Paris, SNEP Illustration, 1928, p. 4.
[12] H. Sauval, Histoire, op. cit., p. 5.
[13] On trouve quelques mentions d’hommages pour des fiefs mouvant du Louvre, tous postérieurs à 1543, dans l’inventaire des hommages enregistrés à la chambre des comptes à partir de 1357 (Léon Mirot, Hommages rendus à la chambre de France, I, 1932, rééd. 1982, Paris, Archives Nationales, § 153, 495, 554, 1251, 3384). Au XVIIIe siècle on énumérait encore les fiefs relevant du roi à cause du Louvre (L. Hautecœur, Le Louvre, op. cit., p. 4).
[14] Les Parisiens ne virent pas sans nostalgie abattre ce monument qui dominait le paysage urbain d’aussi haut que les tours de Notre-Dame. Le témoignage du journal d’un bourgeois de Paris de l’époque montre qu’il était toujours assimilé, dans la mémoire collective, à la puissance coercitive du pouvoir royal, en dépit de sa transformation en palais sous Charles V : « ce fut grand dommaige de la desmolir, car elle estoit très belle, haute et forte, et estoit appropriée à mettre prisonniers, gens de grand renom » (cité par H. Hoffbauer, Paris, op. cit., p. 350 d’après l’édition de L. Lalanne).
[15] L. Hautecœur, Le Louvre, op. cit., p. 4 et J. Baldwin, Philippe Auguste, op. cit., p. 377-378, 385-386. John Baldwin a eu l’amabilité de nous confirmer qu’il n’avait jamais rencontré cet adage dans la documentation de l’époque de Philippe Auguste et que la fonction du Louvre était alors strictement militaire.
[16] Alexandre Tuetey, Layettes du trésor des chartes des rois de France, II, Paris, 1886, p. 54.
[17] C’est ce que laisse penser la mention d’un « escript qui avoit esté fait par l’accord des [maître foulons et de leurs valets], pardevant le chastelain du Louvre et par devant sire Gautier le Maistre et Guernes de Verbire qui estoient prevost de Paris [en 1247 puis en 1251-1252] ». G. B. Depping, Règlements sur les arts et métiers de Paris, 1837, p. 397.
[18] Simone Roux, « Résidences princières parisiennes : l’exemple de l’hôtel de Bourbon, fin XIVe-milieu XVe siècle », dans Fürstliche Residenzen im spätmittelalterlichen Europa, éd. Werner Paravicini et alii, Sigmaringen, Jan Thorbecke Verlag, 1991, p. 75-101. Jean Favier, Cartulaire et actes d’Enguerran de Marigny, Paris, 1965 et Paris au XVe siècle (Nouvelle Histoire de Paris, t. V), Paris, Hachette, 1974, rééd. 1997, carte des principales résidences de la haute aristocratie vers 1400.
[19] H. Hoffbauer, Paris, op. cit., p. 331. Il faut noter que Philippe IV maintient quand même une activité politique intense dans la Cité puisque les assemblées du 24 juin 1303, du 15 octobre 1307 et du 6 octobre 1308 se déroulent dans les jardins du palais (J. Guérout, Le palais, op. cit., II, p. 38). Cet usage des jardins pour une activité politique est un héritage ancien : Louis IX se plaisait encore à rendre la justice en plein air, que ce soit sous son chêne à Vincennes ou dans les jardins de la Cité, simplement vêtu « avec une cotte de camelot, un surcot de tirelaine sans manche, un manteau de taffetas noir sur les épaules, très bien peigné et sans coiffe, et avec sur la tête un chapeau garni de plumes de paon blanc ; et il faisait étendre des tapis pour asseoir [ses conseillers] autour de lui » (Jean de Joinville, Vie de saint Louis, trad. Jacques Monfrin, Paris, Classique Garnier, 1995, § 60). Il semble que cette simplicité dans l’exercice du pouvoir ait disparu au cours du XIVe siècle sous le poids du rituel et de l’apparat, laissant aux jardins une fonction strictement récréative.
[20] Elisabeth Lalou, « Le vocabulaire des résidences royales en France sous le règne de Philippe le Bel (1285-1314) », dans Palais royaux et princiers au Moyen Age, dir. Annie Renoux, Publication de l’université du Maine, Le Man, 1996, p. 45-46.
[21] J. Guérout, Le palais, op. cit., III, p. 40.
[22] J. Mesqui, Châteaux et enceintes, op. cit., II, 78.
[23] Androuet du Cerceau, Les plus excellens bastimens de France, 1576, rééd. 1995, Paris, l’Aventurine [ou BNF, Est. Coll Lallemand de Betz, Vx. 15, p. 269].
[24] « [Elle] passoit pour l’une des plus grande et des plus superbe du monde ; elle étoit pavée de marbre blanc et noir, lambrissée et voûtée de bois, accompagnée dans le milieu de piliers de même, tous rehaussés d’or et d’azur, et remplis des statues de nos rois (…). A l’autre bout de la salle étoit dressée une table, qui en occupoit presque toute la largeur et qui de plus portoit tant de longueur, de largeur et d’épaisseur qu’on tient que jamais il n’y a eu de tranche de marbre plus épaisse, plus large et plus longue ». H. Sauval, Histoire, op. cit., p. 3. La table de marbre où se tenait le souverain lors des cérémonies solennelles était en fait composée de neuf dalles étroitement ajustées.
[25] L. Hautecœur, Le Louvre, op. cit., p. 3. J. Mesqui, Châteaux forts et fortifications, op. cit., p. 384.
[26] La tour du Louvre est la première d’une série d’une vingtaine de tours construites par la même équipe d’ingénieurs, sur le même modèle, à Dun-le-Roi, Villeneuve-sur-Yonne, Orléans, Laon, Péronne, Falaise, Rouen, Vernon, Verneuil, Lillebonne, Chinon… (J. Baldwin, Philippe Auguste, op. cit., p. 382). Ce modèle fut en outre copié par d’autres seigneurs, comme à Nesles-en-Dôle ou Lucheux ; ceux de Coucy offrent le meilleur exemple de la fascination exercée par l’architecture royale sur les châteaux seigneuriaux, car leur inspiration philippienne et leur désir de la dépasser sont évidents… (J. Mesqui, Châteaux forts et fortifications, op. cit., p. 135-137, 223, 265, 283-286).
[27] J. Guérout, « L’hôtel du roi au palais de la Cité sous Jean II et Charles V », dans Vincennes, op. cit., p. 239 et suiv. Cette reconstitution est seulement hypothétique car le nombre de pièces varie avec les règnes et est mal connu.
[28] Mary Whiteley, « Le Louvre de Charles V : disposition d’une résidence royale », Revue de l’Art, 97, 1992, p. 60-71 ; « L’aménagement intérieur des résidences royales et princières en France à la fin du XIVe siècle et au début du XVe siècle », dans Vincennes, op. cit., p. 299-320 ; « Royal and ducal palaces in France in the fourteenth and fifteenth centuries. Interior, ceremony and function », dans Architecture et vie sociale à la Renaissance, éd. Jean Guillaume, Paris, Picard, 1994, p. 47-63.
[29] Jean Chapelot, Le château de Vincennes. Une résidence royale au Moyen Age, 1994, rééd. 2001, Paris, CNRS éditions, p. 49.
[30] Au XIIIe siècle, la chambre du pape des palais d’Italie sert aussi de petite salle d’audience. C’est à la fin du pontificats de Benoît XII qu’apparaît pour la première fois la mention de « chambre de parement » mais la division des appartements pontificaux à Avignon est plus fruste puisqu’elle ne comprend pas de « chambre de retrait » intermédiaire. Gary M. Radke, « Form and function in thirteenth-century papal palaces », dans Architecture et vie sociale à la Renaissance, Paris, Picard, 1994, p. 20. Bernard Schimmelpfenning, « Ad maiorem pape gloriam. La fonction des pièces dans le palais des Papes d’Avignon », ibid., p. 34. M. Whiteley, « Le Louvre », op. cit., p. 319
[31] Comme avec l’empereur Charles IV en 1378 parce qu’il ne peut assister au banquet dans la grande salle à cause de la goutte qui le fait souffrir. J. Guérout, « L’hôtel du roi », op. cit., p. 247.
[32] M. Whiteley, « Deux escaliers royaux du XIVe s. : les ‘‘grands degrez’’ du palais de la Cité et la ‘‘grande viz’’ du Louvre », dans Bulletin Monumental, 1989, 147-2, p. 133-154.
[33] Le perron est une plate-forme élevée à l’extérieur d’une demeure seigneuriale qui participe du symbolisme féodal autant que la tour maîtresse. Outre sa fonction de montoir pour le seigneur en armure partant à la guerre, il conserve son ancienne fonction de pierre de justice. Le perron est investi par la féerie dans les romans de chevalerie, où il figure un seuil au delà duquel l’aventure commence. Ce perron de chevalerie se trouve matérialisé ensuite dans les pas d’arme et les spectacles urbains et finit par ajouter une dimension ludique à l’ancien perron seigneurial, notamment lors des entrées royales, où il peut servir de tribune. Voir M. Whiteley, « Deux escaliers », op. cit., p. 133 et Jean-Pierre Jourdan, « Le perron de chevalerie », dans Seigneurs et seigneuries au Moyen Age, Paris, CTHS, 1995, p. 459-475.
[34] La grande cour du palais et même certains espaces intérieurs comme la grande salle lorsqu’elle ne servait pas aux cérémonies, étaient ouvert à tous. La présence de la cour royale a attiré très tôt des marchands dans la Cité. Leur lieu d’exercice le plus ancien est la galerie des merciers, mais on trouve au XIVe siècle de nombreuses échoppes et étaux adossés à l’extérieur de l’enceinte orientale, mais aussi autour de la Sainte Chapelle. L’enclos palatial comprend aussi au sud un petit quartier canonial, qui a sa vie propre. Il n’est pas sûr que les chants religieux aient couvert le vacarme des charrois et des cris des petits commerçants qui peuplaient la cour intérieure. Sur la cohabitation difficile de tout ce petit monde dans cet espace exigu, voir Claudine Billot, « L’insertion d’un quartier canonial dans un palais royal : problèmes de cohabitation. L’exemple de la Sainte Chapelle de Paris », dans Palais royaux, op. cit., p. 111-116.
[35] M. Whiteley, « Le Louvre », op. cit., p. 66-67.
[36] M. Whiteley, « Deux escaliers », op. cit., p. 141-142.
[37] Les tombeaux de Philippe Auguste, Louis VIII et Louis IX sont mis en valeur au centre du chœur, les deux premiers parce qu’ils sont les fils de Capétiens ayant épousé des descendantes des Carolingiens, le troisième parce qu’il a en plus porté ce sang illustre jusqu’à la sainteté. Sur les bas côtés, Mérovingiens, Carolingiens et Capétiens sont volontairement mêlés, manifestant par cette confusion la continuité de ces trois familles. Seuls les tombeaux de Dagobert et Charles le Chauve, les fondateurs, ont eu le privilège de conserver leur place initiale, à l’écart. Andrew W. Lewis, Le sang royal, trad. 1986, Paris, Gallimard, p. 187-190, 279. Colette Beaune, « Les sanctuaires royaux », dans Les lieux de mémoire, dir. Pierre Nora, 1984, rééd. 1997, Paris, Quarto Gallimard, I, p. 625-648.
[38] Sont absents Louis III et son frère Carloman III, mais aussi Charles le Gros, parce qu’il a été empereur et que Philippe le Bel ne veut pas donner des arguments à l’empereur germanique pour prouver sa prééminence sur le royaume de France. Côté Capétien, manquent Eudes, Robert Ier et Raoul. Uwe Bennert, « Art et propagande politique sous Philippe IV le Bel : le cycle des rois de France dans la grand’salle du palais de la Cité », Revue de l’Art, 97, 1992, p. 46-59.
[39] J. Chapelot, Le château de Vincennes, op. cit., p. 59-60.
[40] Ibid., p.42-46.
[41] Dans cette ordonnance, le roi écrit que cette demeure est « hostel solennel et de granz esbatemens et ouquel [il a] eu plusieurs plaisirs, acquis et recouvré à l’ayde de Dieu santé de plusieurs granz maladies ». C’est bien à l’usage du corps physique du roi qu’est destinée cette résidence. Cependant on ne saurait mieux définir la position ambiguë de cette résidence, entre sphère privée et solennité royale (Fernand Bournon, « L’hôtel royal de Saint-Pol », dans MSHP, 1879, VI, p. 65).
[42] F. Bournon, « L’hôtel royal de Saint-Pol », op. cit., p. 54-179. Léon Mirot, « La formation et le démembrement de l’hôtel Saint-Pol », Paris, Champion, 1916 (extrait du Bull. de la Soc. Hist. et Arch. Du IVe Arr. de Paris, La Cité, oct. 1916). Françoise Autrand, Charles V le Sage, 1994, Paris, Fayard, p. 760-766.
[43] Christine de Pisan, Le livre des faits et bonnes mœurs du roi Charles V le Sage, trad. Eric Hicks et Thérèse Moreau, 1997, Paris, Stock, p. 215-216.
[44] La tour de Vincennes aurait coûté à elle seule 1 700 000 francs. F. Autrand, Charles V, op. cit., p. 753.
[45] C. de Pisan, Le livre, op. cit., p. 267-273.
[46] En France, cette théorie s’exprime à travers la distinction entre les deux couronnes, visible et invisible. Suger est le premier à la mentionner en 1150, mais cette conception émerge lentement. Ernst Kantorowicz, Les deux corps du roi, 1957, trad. 1989, Paris Gallimard, p. 21-34, 243 et suiv. Olivier Guillot et alii, Pouvoirs et institutions dans la France médiévale, 2 vol., 1994, Paris, Colin, II, p. 94-95 et 109-113.
[47] Raymond Cazelles, Société politique, noblesse et couronne sous Jean le Bon et Charles V, Genève-Paris, Droz, 1982, p. 506.
[48] Ibid., 519-520.
[49] H. Hoffbauer, Paris, op. cit., p. 166.
[50] F. Bournon, « L’hôtel royal de Saint-Pol », op. cit., p. 113.
[51] Voir le tableau en annexe.
[52] Même l’hôtel Saint-Pol possède une tour carrée qui identifie le logis royal. Elle sert à mettre à l’abri les coffres précieux du roi lorsqu’il réside là et porte aussi une horloge, comme au Palais, au Louvre et à Vincennes (F. Bournon, « L’hôtel royal de Saint-Pol », op. cit., p. 93).
[53] On connaît tout de même deux réunions du conseil qui se déroulèrent à Saint-Pol : celle du 27 septembre 1364 et celle du 21 février 1372, qui réunit 200 personnes. Ces réunions furent, il est vrai, beaucoup plus fréquentes en ce lieu sous le règne de Charles VI (F. Bournon, « L’hôtel royal de Saint-Pol », op. cit., p. 114).
[54] H. Sauval, Histoire, op. cit., p. 45.
[55] Alain Salamagne, « Le symbolisme monumental », dans Seigneurs et seigneuries, op. cit., p. 441-458.
[56] J. Chapelot, Le château, op. cit., p.96-99.
[57] J. Guérout, Le palais, op. cit., III, p.41 ; H. Hoffbauer, Paris, op. cit., p. 168.
[58] F. Autrand, Charles VI. La folie du roi, Paris, Fayard, 1986, p. 417, 609.
[59] Ibid., p. 432, 504.
[60] H. Hoffbauer, Paris, op. cit., p. 349.
[61] J. Guillaume, « Du logis à l’appartement », dans Architecture et vie sociale, op. cit., p. 7-10 et J. Mesqui, « Châteaux et palais », dans Arts et société aux XVe siècle, dir. C. Prigent, Paris, Maisonneuve et Larose, 1999, p. 82, 100.