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Entretien avec Elizabeth A. R. Brown (1932-2024)

Elizabeth A. R. Brown, Kathleen Wilson-Chevalier, Caroline zum Kolk

Comment citer cette publication :
Entretien avec Elizabeth A. R. Brown réalisé par Kathleen Wilson-Chevalier et Caroline zum Kolk, Paris, Cour de France.fr, 2014 (https://cour-de-france.fr/article3388.html). Interview publié le 1er septembre 2014.

Elizabeth A. R. Brown est professeur d’histoire émérite de la City University of New York. Ses recherches portent sur la royauté capétienne aux XIIIe-XIVe siècles, l’histoire des funérailles et des nécropoles royales ainsi que la culture aristocratique et royale de la Renaissance en France.

Entretien mené par Kathleen Wilson-Chevalier et Caroline zum Kolk à l’Institut historique allemand, Paris, le 26 novembre 2013.

Jeunesse et formation

C. zum Kolk : Quelles sont vos origines familiales, comment les décririez-vous ?
E.A.R. Brown : Ma famille est du Kentucky, très bourgeoise, très Middle West comme on dit. Mes parents se sont mariés très jeunes et je suis arrivée onze mois après le mariage. Je suis née en février 1932, donc peu après le désastre financier.
K. Wilson-Chevalier : Le krach boursier.
E.A.R. Brown : Oui. Ma mère n’avait que vingt et un ans et a arrêté ses études universitaires. Elle m’a eue au lieu d’un diplôme de Vassar…
K. Wilson-Chevalier : Une excellente université. Elle n’a jamais terminé ses études ?
E.A.R. Brown : Elle a laissé tomber à cause de la situation économique. C’était vraiment très difficile ; son père avait pourtant gagné assez d’argent auparavant, mais après le crash... tout s’est écroulé. Par la suite j’ai eu deux sœurs. L’une d’elles est devenue historienne de l’art. Vous avez entendu parler de Nancy Rash ?
C. zum Kolk : Du Connecticut College ?
E.A.R. Brown : Oui, elle a enseigné là-bas. Ma mère adorait l’art ; et moi, j’ai toujours aimé cette discipline. Et elle adorait la France. Elle pensait que dans une autre vie, elle avait vécu à Paris au temps de Madame de Sévigné [rires]. Elle aimait lire les lettres de Madame de Sévigné. Et elle adorait Paris. Quand j’ai décidé de devenir historienne de la France, elle était vraiment ravie.
C. zum Kolk : Et votre père ?
E.A.R. Brown : Il a été stockbroker, boursier, mais il adorait l’armée. C’était sa passion et il y a consacré beaucoup de temps.
C. zum Kolk : Où avez-vous fait vos études ?
E.A.R. Brown : J’ai commencé à Swarthmore College pour mes études undergraduate. C’est là que j’ai rencontré mon mari.
K. Wilson-Chevalier : Comme tes parents, tu t’es mariée très jeune ?
E.A.R. Brown : Oui, très jeune, exactement. Je me suis comportée de la même manière. Et à cause du cursus que j’avais suivi à Swarthmore, j’ai eu l’intention de devenir historienne de l’Angleterre médiévale.
C. zum Kolk : Pourquoi cela ?
E.A.R. Brown : À cause de Mary Albertson, qui était le chef du département d’Histoire. Il y avait deux femmes très fortes là-bas : Mary Albertson et Helen North, spécialiste de Latin et de Grec. Elles étaient pour moi de vraies inspiratrices. Mary était historienne de l’Angleterre, mais avait surtout lancé beaucoup d’historiens et de médiévistes de l’Angleterre. George Cuttino et mon cousin Newell Alford ont étudié là-bas, et Donald Sutherland. Donald avait une année d’avance sur moi, mais nous avons suivi les mêmes cours ; quelquefois, il n’y avait que nous deux. Ensuite j’avais l’intention de poursuivre mes études à

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Harvard. Et quand je suis arrivée, il n’y avait qu’un seul cours en histoire médiévale, sur les croisades, donné par Robert Lee Wolff. Mon co-étudiant était Carl Schmitt. M. Wolff nous a dit : « Il faut vous trouver un beau sujet », mais après avoir entendu les sujets que j’ai proposés, il m’a annoncé, « Vous allez étudier les Cisterciens dans le royaume byzantin. Pouvez-vous lire les documents ? ». J’ai répondu : « Non ». « Demain, vous serez à la salle des microfilms. » Il arrive le lendemain avec une bobine contenant des bulles papales et un exemplaire du petit manuel de Cappelli, et m’a dit : « Bonne chance. » [rires] J’ai persévéré et c’est devenu ma première publication [1]. D’habitude à Harvard, tout est question de concurrence – les étudiants devaient être en concurrence entre eux. M. Wolff nous avait dit : « La moitié de la note va dépendre de ce que vous avez fait vous-mêmes, et l’autre de votre critique des travaux des autres ». Donc, Carl et moi avons échangé les questions par avance et nous avons reçu de très bonnes notes. C’est comme ça que j’ai démarré.
K. Wilson-Chevalier : Avec qui as-tu travaillé ensuite ?
E.A.R. Brown : Charles Taylor est revenu ensuite de son année sabbatique et a donné un séminaire sur l’aide de mariage levé par Philippe le Bel quand sa fille Isabelle a épousé Édouard II d’Angleterre. Dans ce séminaire, Carl Schmitt et moi formions alors une équipe avec Marilyn Mavrinac. Comme Lyn n’était pas forte en latin, la concurrence n’était pas possible et nous avons travaillé ensemble. Pour moi c’était le commencement de ce que j’ai toujours essayé de faire : travailler en équipe. Nos époux devenaient complices eux-aussi et faisaient partie du groupe. Par exemple, mon mari Ralph était à l’école de Droit quand j’ai travaillé sur la question des potestates, les pouvoirs accordés aux agents que les communautés du Languedoc expédiaient à Paris pour protester contre l’aide de mariage. À cette époque, l’historien Gaines Post était en vogue. Il avait écrit un article très célèbre sur Plena potestas [2]. Mon mari, qui est avocat, a vu cet article à la maison sur la table et l’a lu pour constater : « C’est impossible. Aucune société ne pourrait fonctionner avec un système de ce type ». Il prenait des cours d’Agency Law à l’époque. Et donc, j’ai lu ses livres et suis allée à l’école de droit pour assister aux cours pour comprendre quel était le problème. Et je me suis rendu compte qu’en effet, ce que disait Gaines Post, ça ne marchait pas du tout. J’ai donc commencé à étudier les sources : les commentaires, les documents. Et en fin de compte, j’ai soutenu une position tout à fait différente [3]. Quand j’ai expédié mon article à Gaines Post, il m’a répondu : « Ceci montre bien que la femme n’est pas faite à l’image de Dieu » [rires].
C. zum Kolk : Quelle était votre situation à l’époque ?
E.A.R. Brown : Nous avions décidé que c’est lui qui étudie le droit, moi l’histoire – car à l’époque il n’y avait pas de postes en histoire pour des couples, ça aurait été compliqué. Je ne recevais pas de bourse. J’ai suivi des cours, reçu des prix, etc., mais j’étais mariée, ce qui me pénalisait de ce point de vue-là. Cette première année était donc difficile, car nous devions vivre avec ce que Ralph avait reçu pour aller à l’école de droit, un héritage de sa mère. Nous avons vécu avec rien, c’était très dur.
Vers la fin de mes études de première année, après avoir reçu de bonnes notes, je recevais un coup de téléphone de Bobby Wolff, un de mes professeurs, qui, en réfléchissant sur mon avenir professionnel, m’a dit : « If only you were a man  !  » À l’époque, je pensais la même chose. Mais ensuite, c’est devenu très intéressant. J’étais traitée tout à fait en égal. On m’a donné des postes à Harvard et m’a même nommée responsable d’un cours.
K. Wilson-Chevalier : Ton premier poste était à Radcliffe ?
E.A.R. Brown : Oui. Au début, je n’enseignais qu’aux femmes.
C. zum Kolk : J’ai cherché quelques informations sur Radcliffe qui a été fondé pour permettre aux femmes

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de suivre des cours donnés par les professeurs de Harvard aux garçons. Ce n’est qu’en 1943 que sont introduits des cours mixtes à Harvard, et jusqu’en 1970, l’université ne comptait qu’un quart d’étudiantes. Les diplômes pour les femmes n’étaient pas les mêmes que ceux des hommes. Ce n’est qu’en 1977 que les étudiantes et les étudiants ont commencé à être traités de manière égalitaire.
E.A.R. Brown : Oui. Et il y avait des femmes comme Caroline Bynum, qui était plus jeune et plus militante que moi. Je pensais que ça pouvait peut-être s’arranger avec le temps. Après mon départ de Harvard en 1963, il y a eu de grandes confrontations. Aujourd’hui, il y a des professeurs femmes qui y enseignent.
C. zum Kolk : On oublie à quel point tous ces progrès sont récents… Quand étiez-vous à Harvard ?
E.A.R. Brown : Je suis allée à Harvard en 1954. La première année, je prenais des cours, je n’enseignais pas. L’année après, on continuait les cours, mais on avait aussi des petits boulots : corriger les examens des étudiants, par exemple. J’ai commencé à faire cela pour Charles Taylor. L’année après, on devenait teaching fellow. Et petit à petit, on donnait des conférences. On était traité comme de vrais collègues par les professeurs. J’ai connu ainsi beaucoup de personnes qui étaient parmi les « grands » de l’époque, mais on s’appelait toujours par le prénom et on avait, encore une fois, un esprit d’équipe.
J’ai continué ainsi pendant l’écriture de ma thèse que j’ai terminée en 1960. La raison pour laquelle j’ai enseigné après à Harvard, pendant trois ans, est que j’étais enceinte, j’attendais notre fille Victoria. Je ne voulais pas rester tout le temps à la maison. J’ai téléphoné au secrétaire du département d’Histoire, Harriet Dorman, qui m’a arrangée ça. Et la raison pour laquelle j’ai eu finalement des étudiants masculins, c’est que Charles Taylor, mon professeur, était le maître de Kirkland House (à Harvard, il y avait des Maisons, les Harvard Houses, dirigés par un master). Il s’est décidé d’inviter comme fellow Hanna Holborn Gray, qui est devenue plus tard présidente de l’université de Chicago. Et l’année après, il m’a invitée. Tout d’un coup j’avais des classes mixtes. Et grâce à Charles, nous avons fait partie de « la famille de Kirkland House ». C’était formidable.
C. zum Kolk : Parlez-nous de Charles Taylor, un grand nom de la médiévistique américaine.
E.A.R. Brown : Charles Taylor a écrit des articles plutôt que des livres. Il a étudié par exemple un impôt et les assemblées de consultation qui allaient avec lui, de 1318 à 1319 [4]. Dans le même ouvrage Joseph R. Strayer a publié « Les impôts de Philippe le Bel ». La différence était très marquée entre les approches de ces deux grands professeurs. Je connais très bien les gens qui ont étudié avec Joe à Princeton. À cette époque, ils n’acceptaient pas les femmes à Princeton - ce n’était donc pas pour moi. Strayer, c’était tous les impôts de Philippe le Bel, tandis que Charles voulait toujours aller jusqu’au fond. Si on avait des réponses à des questions, il avait d’autres questions. Cela m’a beaucoup influencée et c’est ce que je fais encore maintenant. J’essaie toujours d’approfondir ce que j’ai fait auparavant. Et encore aujourd’hui, les sujets que j’étudie sont très liés à ce que je faisais à Harvard. Mais je pense en revanche que mon sujet de thèse était mal choisi : la réaction contre la politique de Philippe le Bel, les ligues. J’étais fascinée par Philippe le Bel.
C. zum Kolk : Pourquoi ?
E.A.R. Brown : Il était un mystère. Charles Taylor pensait qu’il était horrible, qu’il n’avait pas de conscience. Et il posait toujours à ses étudiants la question : quel était le caractère de Philippe le Bel ? Il y avait alors deux interprétations dominantes. Il y avait d’une part Langlois et l’école traditionaliste en France. Mais il y avait aussi Robert Fawtier, qui connaissait très bien Philippe le Bel, et qui avait une sensibilité remarquable. Et lui, il soulignait que c’est plus complexe qu’on ne le pense. Mais, si on soutenait le point de vue de Fawtier, on recevait un « B ». Si l’on soutenait l’autre point de vue, on recevait un « A ». Mon ami Al Soman a reçu un « B » et j’ai passé presque toute ma vie à démontrer qu’Al avait raison. Il n’était pas aimable,

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Philippe le Bel, mais il était the harbinger of the future [l’homme qui préparait le futur].
K. Wilson-Chevalier : Ta thèse t’a amené en France ?
E.A.R. Brown : Oui, tout à fait. Je voulais étudier les nobles qui ont mené la résistance contre les actions de Philippe le Bel. Mais il y en avait trop, et il n’y en avait pas assez de documents pour bien comprendre leurs motivations. En étudiant les ligues, j’ai fait beaucoup de recherches sur Philippe le Bel. Et j’ai connu Jean Richard, qui m’a prêté ses notes sur les familles nobles de Bourgogne. Édouard Perroy, d’une gentillesse incroyable, a mis à ma disposition ses notes sur les familles de Forez. Il ne savait pas trop comment procéder avec une femme mariée, jeune, etc. Un jour, j’ai reçu un coup de téléphone : « Est-ce que vous voudriez aller prendre un verre avec moi à la brasserie Lipp ? » J’ai accepté, bien évidemment, et il m’a demandé : « Est-ce que vous me donneriez la permission de publier l’acte que vous avez trouvé à la BNF, la semaine passée ? » « Ah oui, volontiers. Mais est-ce que je devrais encore faire des vérifications ? » « Non, non. Ça va ». Il a alors publié un article formidable sur les nobles du Forez qui ont participé à la ligue là-bas. Et Robert Fawtier ! Il m’a permis de travailler dans son bureau avec François Maillard. J’ai été tellement touchée par la générosité de toutes ces personnes. Mais en fin de compte, la thèse… J’ai publié un article sur l’évolution des ligues [5]. C’était un texte plutôt court, mais, j’espère, juste.
C. zum Kolk : La thèse est terminée en 1961. Vous travaillez encore quelque temps à Harvard, mais vous êtes ensuite entrée au Brooklyn College à New York. Pourquoi ce changement ?
E.A.R. Brown : Ralph et moi ne pouvons pas vivre séparés, nous devons être ensemble. Ralph venait de Boston, mais il s’ennuyait un peu dans cette ville. Il était avocat, comme son grand-père, et il voulait être avocat d’affaires. Et à Boston, il n’y a rien d’intéressant pour cela. En outre nous aimions tous les deux l’art. Nous sommes alors allés au Museum of Fine Arts de Boston et nous avons demandé « Où est la peinture moderne » ? Le gardien a répondu « À New York ! » C’est ainsi que nous avons commencé à réfléchir. J’ai toujours adoré New York. Mes parents m’y ont amenée pour mon treizième anniversaire, après le retour de mon père de l’Angleterre et de la France où la Deuxième Guerre Mondiale l’avait amené. Je suis allée deux fois au Metropolitan Opera, c’était magnifique ! Ralph a obtenu alors un très bon poste à New York. Et donc, j’ai suivi. Nous avons eu Vicky, notre fille, en 1960.
Dans ces années, l’Université de la Ville de New York payait très bien, mieux que Columbia. Aujourd’hui, tout a changé. La New York University, qui n’était rien à l’époque, est devenue très importante. Et le prestige de l’Université de la Ville de New York (et les salaires qu’on y gagne) ont beaucoup diminué.
En arrivant à New York, je recevais des offres du Brooklyn College et du Hunter College, et le salaire était égal au salaire de Harvard. J’ai finalement accepté le poste au Brooklyn College. Plusieurs années après, mon ami John Benton, à Caltech, me proposait d’y venir. Le président de l’université a voulu trouver un équilibre hommes/femmes. Il a créé pour chaque département à Caltech un poste permanent pour une femme. Mais Ralph n’aimait pas la Californie.
K. Wilson-Chevalier : Comment était-ce, l’enseignement au Brooklyn College ?
E.A.R. Brown : J’ai eu des étudiants très doués. Surtout quelques femmes juives qui sont maintenant devenues de grandes professeures et chercheuses. Et je pouvais enseigner à des étudiants adultes. J’ai mis en place un programme pour des étudiants doués (The Scholars Program). Un semestre, trois Nobel Prize Winners ont accepté de venir parler à mes étudiants, pour 50 dollars chacun ! Mais j’ai pris ensuite une année sabbatique et c’était la fin de ce programme. C’est comme ça à New York, surtout à l’université : il n’y a pas de fierté quant aux traditions. En revanche, j’avais beaucoup de liberté, et j’avais du temps pour faire mes recherches.

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De la tyrannie du concept de la féodalité

C. zum Kolk : En 1974, vous avez publié un article sur le concept de la féodalité : « The Tyranny of a Construct : Feudalism and Historians of Medieval Europe [6] ».
E.A.R. Brown : J’y ai travaillé pendant plusieurs années car j’étais hantée par mon incapacité de comprendre ce que c’est, cette « féodalité ». Maintenant, je sais ! C’est un concept, une « étiquette », qui a été inventé aux XVIIe et XVIIIe siècles, quand on savait très peu à propos du Moyen Âge et qu’on cherchait une « étiquette » pour éviter la nécessité d’étudier la société et les personnes qui ont existé réellement. Quand j’étais jeune, à chaque examen on traitait ou de la « renaissance du XIIe siècle », ou de la « féodalité ». J’ai toujours évité le terme de féodalité. Mais je savais que pour mes examens oraux à Harvard, en 1956, quelqu’un poserait une question sur la féodalité. Mon camarade d’études Fredric Cheyette m’a écrit alors de Paris : « Il faut lire le grand livre sur la féodalité dont tout le monde parle ici ! » C’était le livre de Georges Duby sur le Mâconnais, publié en 1953 [7]. Je l’ai commandé de Paris et je l’ai lu. Si on le relit aujourd’hui, on comprend que Georges Duby croyait en la féodalité. Mais il a écrit ce livre comme s’il n’y croyait pas, comme s’il étudiait la société et les personnes qui y vivaient d’un regard nouveau. Alors que les grandes lignes de sa pensée s’inscrivent dans le concept traditionnel de la féodalité.
C. zum Kolk : Qu’est-ce que vous critiquez dans votre article ?
E.A.R. Brown : L’idée qu’il existe un schéma de société qui vaut pour tous. Avec le vassal qui tient le fief, qui va lutter pour son seigneur, et au sommet de la pyramide le roi... Toutes ces stupidités ! C’est malheureusement toujours enseigné. Pendant mes examens oraux, j’ai souligné les différences qui existaient par exemple entre la Normandie et le Mâconnais. Et après, Charles Taylor m’a dit : « C’était très bien ce que vous avez fait. Mais quelquefois, vous n’avez pas répondu assez directement ». Et il a demandé : « Qui est cette personne, Duby ? ». J’étais la seule dans la salle qui l’aie lu. Plus tard, Duby est devenu un ami. Mais quand j’ai écrit cet article, il s’est un peu fâché contre moi.
Je l’ai écrit comme un cri de cœur, car j’en étais persuadée ! On m’a reproché : « Tu n’emploies pas un style noble ». En effet, je raconte des histoires, car j’ai parlé à beaucoup de personnes ; par exemple avec Richard Southern à qui j’ai posé la question « Pourquoi vous évitez le mot ‘féodalité’, mais vous employez l’adjectif « féodal » ? » Réponse : « Laziness, my dear [8] » [rires]. C’était aussi la première fois que The American Historical Review a mis un cartoon en page de couverture [9].
K. Wilson-Chevalier : Une caricature ?
E.A.R. Brown : Oui. James Stevenson l’avait publiée dans The New Yorker deux, trois ans avant, accompagnée de la légende Here’s to feudalism, and to all the wonderful vassals that make it work [10] qui exprimait exactement ce que je soutenais. M. Stevenson m’a donné la permission de la reproduire.
Après la publication de l’article, je me trouvais à Baltimore à une conférence avec Joe Strayer, Gaby Spiegel et John Baldwin. John Baldwin était outré : « C’est horrible ! Comment peux-tu avancer de telles choses ? ». Joe Strayer, qui avait beaucoup écrit sur la féodalité, disait : « Mais elle a raison ! » et a commencé à parler de chaque région de la France et de leurs différences. C’était incroyable. Si j’avais pu l’enregistrer...
K. Wilson-Chevalier : Quelle a été la réaction en France ?
E.A.R. Brown : Je pensais pendant longtemps que personne n’avait lu l’article. Mais apparemment non, car à une journée d’étude à la Sorbonne au printemps 2013 [11] Philippe Contamine, qui n’avait jamais mentionné cet article dans ses écrits, a insisté sur les discussions entre les universitaires français qu’il avait provoqué. Par ailleurs, Susan Reynolds est partie de cet article quand elle a écrit son livre Fiefs and

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Vassals [12]
. Mais son approche n’était pas la mienne. Pour détruire le concept de féodalité, on ne peut pas s’appuyer sur lui comme point de départ, car on met alors l’accent sur ce qu’on essaie de rejeter. Il faut regarder comment fonctionnaient la société et la gestion des terres.
C. zum Kolk : Vous avez – je vous cite – noté que beaucoup de chercheurs ont admis les faiblesses de ce concept sans pour autant l’abandonner : « Although they attack the term “feudalism”, they are still unwilling and perhaps unable – whether from habit, inertia, or simple inattention – to jettison the word [13]. »
E.A.R. Brown : C’est toujours vrai. Et si je peux aller plus loin, ce qui me fascine, c’est que le monde au XVIe siècle est beaucoup plus féodal que le Moyen Âge ! J’en parle dans mon article sur l’année 1500 [14]. Mais on n’étudie pas le système des tenures au XVIe siècle… on préfère parler des protestants, des cours, de certaines personnalités.

Philippe le Bel et la monarchie au tournant du XIIIe-XIVe siècle

C. zum Kolk : Vos premières études sur la période de Philippe le Bel et de ses fils concernent l’histoire financière, et plus précisément l’aide demandé par le roi pour le mariage de sa fille avec le futur roi d’Angleterre Édouard II, en 1308.
E.A.R. Brown : Oui. Pour moi, c’étaient les relations du roi avec ses sujets qui étaient au centre, et surtout la protestation contre cette aide. Ralph et moi avons fait un voyage pour aller voir les lieux et les archives du Sud de la France. Ce n’était pas toujours facile. Dans un petit village, Saint-Antonin-Noble-Val, on ne voulait pas me communiquer les documents sous prétexte qu’on avait perdu les clés des armoires où ils se trouvaient... Le maire les a retrouvé quand il s’est rendu compte que mon mari était un avocat new-yorkais et qu’il pouvait peut-être leur aider à attirer des touristes américains dans la région [rires].
Au Moyen Âge, tout se gère par contact personnel, malgré la question des langues : ces gens parlaient des dialectes, et pourtant ils se comprenaient. Guillaume de Nogaret était en charge de ces négociations. Et la seule raison pour laquelle nous avons encore les procurations des agents de province qui sont la source principale pour l’étude de cet épisode, c’est qu’il les gardait chez lui. Ils ont été saisis avec ses autres papiers après sa mort. Je continue à travailler sur Nogaret, en ayant beaucoup appris de Sébastien Nadiras [15], qui a écrit sa thèse sur Nogaret, et qui était content de ne pas devoir étudier cet impôt.
C. zum Kolk : L’histoire des aides renvoie à l’histoire de l’impôt. Philippe le Bel doit négocier et traiter au cas par cas, on est loin d’un impôt qui est imposé de manière uniforme à tous…
E.A.R. Brown : Cette question s’inscrit dans les recherches faites par Charles Taylor, qui voulait savoir à quel moment précis on a pu imposer les impôts. C’est la rançon de Jean le Bon qui marque un tournant, mais encore... Regardez ce qui s’est passé ensuite ! Sous Charles V, l’impôt est toujours considéré comme un péché s’il n’est pas justifié par une circonstance particulière.
C. zum Kolk : L’étude de l’impôt rejoint la recherche sur l’émergence de l’état monarchique, très prolixe dans les années 1980 où démarre en France un programme de recherche autour de la question de la genèse de l’État moderne. Une ATP mis en place par Jean-Philippe Genet a réuni des chercheurs qui travaillent encore aujourd’hui sur la question du pouvoir, et accessoirement sur la cour.
E.A.R. Brown : Je pense que le père de ce domaine d’études était Joe Strayer et les chercheurs américains. Strayer a été très important pour l’étude des medieval origins of the Modern State.
C. zum Kolk : Une question récurrente est constituée par la primogéniture et les règles de succession à la couronne, sujet qui a fait l’objet d’un ouvrage publié par Andrew Lewis à cette époque [16]. Dans Royal Marriage, Royal Property, and the Patrimony of the Crown, vous abordez également cette question, en

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prenant en compte aussi le domaine royal.
E.A.R. Brown : Charles Wood, qui a été mon compagnon d’études à Harvard, a écrit sur les apanages [17]. Nous avons travaillé souvent ensemble, mais Charlie n’a pas aimé les archives comme moi, et il s’est tourné progressivement vers l’Angleterre. Il a été professeur d’Andrew Lewis. Royal succession était le premier livre d’Andy Lewis, et c’est très riche. Je pense qu’une des idées les plus intéressantes est que la famille royale fonctionnait comme les autres familles nobles. Il vient de publier une excellente édition de la chronique de Bernard Itier de Limoges (1163-1225) [18].
En ce qui concerne la primogéniture… j’ai écrit un article sur la jeunesse de Philippe le Bel [19]. Je n’aurais jamais pensé faire ça, mais il y avait beaucoup de travaux à ce sujet, il y avait Ariès... et Jan Rogozinski m’a demandé de faire une communication à un colloque sur la jeunesse royale. Je ne pouvais pas envisager une communication sur un sujet aussi vaste, mais la jeunesse de Philippe de Bel était abordable. J’avais beaucoup lu en psychanalyse pour des raisons familiales, et aussi pour mieux comprendre comment fonctionne l’individu. Je ne cherchais pas des théories pour expliquer les choses, mais des outils pour comprendre. Alors Philippe le Bel jeune... il y a eu la disparition de deux de ses trois frères en une année. Et ses relations avec Marie de Brabant…
C. zum Kolk : En effet, une vie de famille mouvementée...
E.A.R. Brown :...incroyable !
C. zum Kolk : Récapitulons rapidement : la reine Marie de Brabant est soupçonnée d’avoir fait tuer deux fils issus du premier mariage de son époux. Philippe III est accusé d’homosexualité. Philippe le Bel et Jeanne de Navarre ont eu un mariage, je vous cite « beaucoup plus compliqué […] que la plupart des mariages ». Et deux des trois brus de Philippe le Bel seront reconnues coupables d’adultères. Pour ne pas parler de la mort suspecte de Louis X...
E.A.R. Brown : Maurice Druon en a écrit des romans, et on en a fait des émissions de télévision.
C. zum Kolk : Est-ce qu’une telle concentration de problèmes est significative d’un changement dans le fonctionnement de la famille ? Ou est-ce qu’il s’agit d’un concours de circonstances ?
E.A.R. Brown : Je vais vous citer mon ami Walter Goffart, historien des premiers siècles du Moyen Âge : « As is true today, in every period of the past there were about as many happy people as there were sad ones. » Nous sommes tout à fait contre ces notions de « grands changements ». Je peux vous montrer des cas de familles du passé tout à fait heureuses, exactement comme aujourd’hui. Je ne pense pas qu’il y ait eu de grands changements dans le fonctionnement structurel de la famille. En ce qui concerne Philippe le Bel, ce que je trouve fascinant, c’est que ses problèmes venaient de lui-même. Il n’aimait pas les autres. Il ne pensait qu’à lui-même.
C. zum Kolk : Un égoïste.
E.A.R. Brown : Et à quel point... on le voit aussi dans sa manière de traiter son épouse. J’ai toujours voulu étudier les femmes, pas d’un point de vue féministe, ni étudier les femmes aux dépens des hommes, mais voir les hommes et les femmes ensemble, de manière équilibrée. Et donc, j’ai entrepris de faire la collection des testaments royaux. Du lignage royal de la France, pas des rois de France, avec les belles-mères, les filles, les épouses et ainsi de suite. J’ai commencé à me concentrer sur le testament de Jeanne de Champagne et de Navarre, et le fait que Philippe le Bel ne l’a pas exécuté. Il en souffrait sur son lit de mort.
C. zum Kolk : Jeanne de Navarre a été éduquée à la cour de France ; elle y est arrivée très jeune.
E.A.R. Brown : Il existe des ouvrages qui lui sont dédiés, comme la traduction de Dimna et Kalila. Mais ce

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qui est le plus impressionnant, c’est sa fondation du Collège de Navarre. C’était le premier collège établi par un laïc, et il s’agit d’une femme. Et c’est le seul collège, pendant longtemps du moins, où il y avait des très jeunes ainsi que des adolescents et des adultes. Elle l’a voulu ainsi. Elle était influencée par les franciscains - Durand de Champagne était son confesseur – et elle prenait le parti de Bernard Délicieux. Elle était beaucoup plus attentive à l’enseignement que son mari, qui avait pourtant été bien éduqué. Lui, il aimait partir à la chasse.

Enterrements, sacres et lits de justice

C. zum Kolk : Vous vous êtes intéressée non seulement aux testaments mais aussi aux enterrements royaux. Alexandre Bande considère que vos travaux sont essentiels pour comprendre le tournant de la fin du XIIIe et du début du XIVe siècle dans le domaine des pratiques funéraires royales à Saint-Denis [20].
E.A.R. Brown : Je n’avais jamais pensé à cela de cette manière, car il y avait beaucoup de continuité. J’en ai parlé avec Serge Santos, le régisseur de la basilique de Saint-Denis ; je connaissais aussi son prédécesseur, Madame Laurence, qui m’a même donné les clés de la basilique - je restais là quand on fermait pour le déjeuner. Mais pour revenir à la question : l’abbé Suger avait été tout à fait contre l’installation des tombeaux des rois dans le transept de l’église. Sous le règne de Louis IX, son successeur, Matthieu de Vendôme, l’a entreprise et a arrangé les tombeaux pour figurer la notion du reditus  : les Mérovingiens et les Carolingiens au sud, les Capétiens au nord, et entre les deux rangées les tombeaux de Philippe Auguste et de Louis VIII pour signifier que, par le sang carolingien que Philippe Auguste possédait à cause de sa mère, Isabelle de Hainaut, les Capétiens étaient liés aux Carolingiens (ce qui effaçait le péché de l’usurpation de Hugues Capet). Philippe le Bel n’aimait pas l’idée de reditus et a donc détruit cet ordre. C’est lui qui a demandé à l’historien de Saint-Denis, Guillaume de Nangis, de réécrire sa Chronique universelle pour supprimer la notion du reditus.
Philippe le Bel était en outre partisan de la division des corps, un sujet étudié par Agostino Paravicini-Bagliani ainsi que par moi-même. Je le connais très bien, Agostino, car il s’intéresse aux testaments des ecclésiastiques, moi aux testaments des rois de France.
C. zum Kolk : Vous avez remis en question (« par touches homéopathiques » comme le dit Muriel Gaude-Ferragu [21]) les constats de Ralph Giesey [22], une des figures majeures de l’« école cérémonialiste américaine », sur la théorie du double corps du roi.
E.A.R. Brown : Oui, Giesey et Ernst Kantorowicz [23]. On ne peut pas parler de Giesey sans Kantorowicz. Ralph Giesey adorait Kantorowicz, mais Ralph n’était pas vraiment un théoricien, il était très pratique. Il ne connaissait pas très bien les langues, mais adorait l’histoire. Et il a eu un succès fou ici en France, avec ses livres sur les cérémonies [24]. Ses étudiants l’ont suivi - c’est cela, l’école américaine cérémonialiste. À mon avis, Giesey insiste trop sur les aspects théoriques des idées de Kantorowicz.
Dans son livre, Ralph abordait la question des doubles funérailles de Louis X et je lui ai proposé d’aller plus loin sur ce sujet. On avait l’intention de publier une étude ensemble, mais en fin de compte il m’a dit (et c’était vrai) que j’avais fait beaucoup plus de choses que lui, et j’ai donc publié seule [25]. Alors, pourquoi déterrer le corps de Louis X pour l’enterrer une seconde fois ? Parce que l’héritier devait être connu au moment des funérailles. Il n’y avait pas d’autres raisons.
Ralph avait tendance à accepter ce que disaient ceux qu’on appelle les arrêtistes, les théoriciens, mais à mon avis on ne peut jamais se fier à un théoricien si on veut savoir ce qui s’est vraiment passé.
C. zum Kolk : Vous critiquez la théorie des deux corps du roi, l’idée d’un corps « politique » qui serait matérialisé par une effigie lors de l’enterrement et par un gisant ou un transi sur le tombeau. Vous

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démontrez que ni l’effigie, ni le transi ne représentent ce « corps politique ». Comment êtes-vous arrivée à cette conclusion ?
E.A.R. Brown : Premièrement, Ralph pensait qu’il a développé cette idée lui-même. Mais dans un article qui vient de paraître [26], je démontre que Kantorowicz avait depuis longtemps cru que l’effigie et le transi représentaient le « corps politique » de la personne figurée - il pensait à Brou et aux tombeaux en transi de Marguerite d’Autriche et à Philibert de Savoie – avant que Ralph n’ait commencé à travailler sur cette question. Alors, si on regarde de près, comme je l’ai fait dans un article publié en 1999 [27], on constate qu’aux funérailles de François Ier il y avait des effigies pour ses fils ainsi que pour lui. Par ailleurs, il existait des effigies pour les femmes, et des tombeaux avec transi pour des gens qui n’ont jamais détenu le pouvoir. En Angleterre, à Westminster Abbey, on peut voir encore aujourd’hui une effigie créée pour un chien.
C. zum Kolk : Comment Ralph Giesey a-t-il réagi à cette critique ?
E.A.R. Brown : Il m’a dit que c’était la première vraie critique de ses ouvrages qu’il ait jamais reçue. Et qu’il avait l’intention de me répondre. Ce qu’il n’a jamais fait ; il est mort en 2011.
C. zum Kolk : Vos rapports sont restés amicaux ?
E.A.R. Brown : Mais oui. Il y a des gens qui sont fermement attachés à leurs idées, et il y a des gens qui s’intéressent à la poursuite de la vérité. Si j’ai tort, j’aimerais bien le savoir pour pouvoir corriger mes erreurs. Si j’ai raison, très bien, je m’en réjouis. Tout le monde fait des erreurs.
K. Wilson-Chevalier : À ce sujet s’ajoute rapidement celui des couronnements…
E.A.R. Brown : Oui, et je suis finalement arrivée à travailler sur le Parlement de Paris en étudiant le couronnement et le sacre, surtout avec mon ami Richard Jackson, qui a publié les ordines français de couronnement [28]. C’était Harvey Stahl qui m’a lancée vers ce domaine de recherches, au moment de la célébration du 900e anniversaire de la naissance de l’abbé Suger de Saint-Denis en 1981. Harvey essayait de reconstituer le scriptorium de Saint-Denis et il a découvert qu’il n’y avait pas eu de vrai scriptorium [29][rires]. Plus riche est l’abbaye, moins important est le scriptorium, car on pouvait acheter les manuscrits dont on avait besoin. Mais Harvey a trouvé un ordo de couronnement de l’époque de Suger qui m’a beaucoup intéressée, et qui m’a menée à Jean du Tillet († 1570), greffier civil du Parlement de Paris, qui avait étudié et exploité le même manuscrit [30]. Le travail que j’ai fait sur du Tillet et cet ordo m’a incitée à étudier le Parlement de Paris.
C. zum Kolk : Vous êtes passée ensuite à un autre grand sujet qui a marqué les écrits de l’école cérémonialiste américaine : le lit de justice du Parlement de Paris, étudié par Sarah Hanley [31]. Vous démontrez dans un livre publié avec Richard Famiglietti que les lits de justice ne sont pas une invention du XVIe siècle [32].
E.A.R. Brown : Oui. Je pense que Sarah n’était pas très contente. Son livre, c’est immense. Il couvre un territoire très vaste. Mon ami Alfred Soman, historien du Parlement de Paris [33], avait beaucoup de réserves à son propos. Al est formidable, il a deux doctorats, l’un de Harvard, l’autre de la Sorbonne ; il a travaillé au CNRS avec Pierre Chaunu et connaît bien les archives criminelles du Parlement de Paris. Il reprochait à Sarah Hanley de s’être trop fiée aux recueils de l’érudit et parlementaire Jean Le Nain (1613-1655). Pour chaque élément donné par Le Nain, il y a beaucoup plus à savoir. J’ai demandé à Richard Famiglietti, un collègue et très proche ami qui a collaboré avec moi dans l’étude des testaments royaux, de m’aider. Il connaît incroyablement bien le XIVe et le XVe siècles, c’est un légiste né.
C. zum Kolk : Vous avez démontré ensemble que le lit de justice existait déjà bien avant le XVIe siècle.

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E.A.R. Brown : Oui.
C. zum Kolk : Vous êtes remontés jusqu’en 1329. Un autre fait surprenant : le Parlement n’était pas opposé aux lits de justice. Au XVe siècle, les parlementaires étaient demandeurs.
E.A.R. Brown : Oui. Exactement.
C. zum Kolk : Pouvons-nous quitter le Moyen Âge, pour nous tourner vers le XVIe siècle, ou est-ce que nous avons oublié quelque chose d’important ?
E.A.R. Brown : Je crois que non. Si… une chose. Le métier d’historien a beaucoup changé depuis les années 1950, quand je cherchais « les faits » (comme mes copains). La paléographie, la codicologie…. tout cela m’a ouvert les yeux. Je voudrais insister aussi sur l’importance de mes échanges avec Noam Chomsky, et l’importance du choix du mot construct dans le titre de l’article sur la féodalité. J’ai beaucoup lu ses travaux, et ceux d’autres sur les théories du langage, tout comme j’ai bien étudié les écrits des psychanalystes en essayant de comprendre l’évolution de la personnalité.
C. zum Kolk : Votre méthode est très marquée par ces domaines : vous tentez d’abord de trouver toute la documentation possible sur la question qui vous intéresse. Ensuite, vous étudiez le contexte de la rédaction des sources, vous procédez à la comparaison des différentes versions disponibles, vous suivez la réception et la diffusion du texte. C’est ce qui a fait dire à Muriel Gaude-Ferragu : « Là où Peggy passe, il ne sert plus à rien de s’y aventurer [34]. »
E.A.R. Brown : [rit] Il y en a toujours plus. Mais il faut savoir s’arrêter, sinon on ne publie rien. On sait que le travail d’un historien n’est jamais terminé. Mais les historiens comme Dupuy, qui ont publié des documents, et qui les ont examinés : on se souvient d’eux, n’est-ce pas ?

La noblesse, l’art et la question du genre au XVIe siècle

K. Wilson-Chevalier : Parlons de tes travaux concernant le XVIe siècle. Dans un article tu abordes le duel manqué entre Gaucher de Dinteville et Jean Du Plessis, en 1539. À propos du sens de l’honneur, tu parles d’une incompréhension, d’un décalage, entre historiens français et américains. Et éventuellement, entre les historiens et les historiennes. Quels sont les points exacts où tu ressens ce décalage ?
E.A.R. Brown : J’ai trouvé ça chez James Whitman [35], un historien de droit contemporain, le compagnon de mon amie Sara McDougall, historienne du mariage au Moyen Âge. En ayant fait une analyse fine du sens de l’honneur en Allemagne, en France et en Amérique, il a émis l’hypothèse que ce sens de l’honneur a influencé le développement du système du droit, du système pénal. C’est lui qui est l’expert de cette question. Le sujet du duel et de l’honneur m’était étranger avant d’avoir été invitée à un colloque sur le duel. Mais vous savez pourquoi j’ai étudié les Dinteville et les duels ? À cause des manuscrits : les Heures d’Henri II, les Heures de Dinteville… [36]
Tout a commencé quand j’ai travaillé avec Myra Orth sur Jean du Tillet et son Recueil des rois de France [37]. Comme je n’étais pas historienne de l’art, j’ai cherché quelqu’un de ce domaine, un seiziémiste. Michael Cothren, un historien des vitraux et un ancien collaborateur [38], m’a suggéré Myra Orth. Une fois commencée, j’ai été fascinée par les manuscrits illustrés. L’influence de ma mère et de ma sœur a certainement joué un rôle, leur amour pour l’histoire de l’art. L’étude des deux livres d’Heures des Dinteville, où se trouvent leurs armoiries, m’a menée à l’étude d’un tableau du Metropolitan Museum of Art où paraissent ces armoiries, que Myra m’a signalé. C’est le tableau Moïse et Aaron devant Pharaon, par un artiste inconnu, qui appartenait autrefois aux Dinteville, et qui, à une certaine époque, était attribué à Hans Holbein, le créateur des Ambassadeurs, le tableau le plus fameux des Dinteville.
K. Wilson-Chevalier : J’allais y venir justement.

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E.A.R. Brown : Un tableau fascinant. J’ai entrepris des recherches afin d’en déchiffrer l’histoire. Ça m’a pris des années. Et il reste encore des questions [39].
K. Wilson-Chevalier : Traiter l’œuvre d’art comme un document d’histoire et le rapprocher des documents d’archives – c’est assez particulier comme méthode.
E.A.R. Brown : As-tu vu l’exposition « Jean Cousin » ?
K. Wilson-Chevalier : Oui.
E.A.R. Brown : Cécile Scailliérez et Guy-Michel Leproux font exactement ce que j’essaie de faire. Guy-Michel est si doué. Il connaît les dessins d’Allemagne, il connaît les armoiries, les arbres généalogiques... Je pense qu’on ne peut pas comprendre un artiste sans comprendre tout ce qu’il (ou elle) a fait. Et sans les comprendre en tant qu’individus. Guy-Michel a découvert le nom de l’artiste du Livre d’Heures de Gouffier de la Morgan Library sur lequel je travaille. Et quand j’ai fait des recherches sur les Heures des Montmorency, il est venu à Chantilly pour discuter des artistes, et Marie-Pierre Laffitte aussi, pour la reliure [40]. Il faut travailler en équipe.
K. Wilson-Chevalier : Je décèle dans l’évolution de ta carrière un intérêt croissant pour les questions de genre. En ce qui concerne les femmes, l’étude que tu as consacrée à Madeleine de Savoie et aux Heures des Montmorency en constituent le dernier exemple, me semble-t-il. Mais il y a par ailleurs ton article de 1996, « Sodomy, Honor, Treason and Exile », où tu abordes la question de l’accusation de sodomie lancée contre Gaultier de Dinteville, tout en constatant la frilosité antérieure des historiens, ceux du XVIIe siècle, qui parlaient par euphémisme de « propos scandaleux », ou de « vices infâmes qu’il n’est besoin de spécifier ici ». Cela contraste avec le XVIe siècle, où la Chronique du roy Françoys n’hésite pas à appeler un chat un chat, en affirmant que Jean Du Plessis « disoit que ledict de Dinteville estoit sodomite, qu’on dit en vulgaire françoys bougre ».
E.A.R. Brown : [rit] Oui.
K. Wilson-Chevalier : Or, presque à la même époque Guy Poirier publie L’Homosexualité dans l’imaginaire de la Renaissance [41], et Rebecca Zorach son étude « The Matter of Italy : Sodomy and the Scandal of Style in Sixteenth-Century France [42] ». Comment expliques-tu cet intérêt marqué pour le sujet de l’homosexualité à cette époque ?
E.A.R. Brown : J’ai été très amie avec John Boswell, qui a été l’un des premiers à l’aborder et qui était gay lui-même. Nous partagions plusieurs choses, car il était fils de militaire et, tout comme moi, il avait passé plusieurs années de sa jeunesse à Fort Leavenworth, Kansas. Nous avions des souvenirs en commun. John était l’étudiant de Giles Constable à Harvard, et il a commencé par étudier l’histoire de l’Espagne [43]. C’était quelqu’un qui était historien, mais aussi prophète, un prophète des homosexuels. À cette époque, l’épidémie du SIDA commençait ; il en est mort. Dans son premier livre sur l’homosexualité [44], qui avait un succès fou, je ne pense pas qu’il ait eu raison sur tout. Il exagérait, il voulait trouver l’homosexualité partout. Et il ne voulait pas considérer que la sexualité aurait pu être différente au Moyen Âge. Il avait tendance à justifier sa lutte pour l’égalité en projetant sur le passé les idées qu’il voulait voir s’accomplir. S’il était vivant aujourd’hui, le mariage gay, c’est ce qu’il aurait voulu, et il en serait ravi. Mais son dernier livre, où il essayait de démontrer qu’une cérémonie de fraternité était un mariage entre deux hommes – ça ne marche pas [45]. Avec d’autres collègues, j’ai contribué à un symposium sur le livre, publié après sa mort [46]. Tout cela m’a ouvert les yeux, tout comme les recherches d’Al Soman, qui avait étudié la sodomie et l’homosexualité à travers les registres du Parlement de Paris.
K. Wilson-Chevalier : Et enfin, tu as osé appeler un chat un chat.

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E.A.R. Brown : Oui.
K. Wilson-Chevalier : Ton premier article sur les Dinteville a été publié dans un volume dédié à Arlette Jouanna. Tu le présentes comme une contribution à la recherche sur la mentalité de la noblesse française « dont les passions fortes, soif de vengeance, haines et humiliations, émotions sauvages ressortent avec force ». Je voudrais citer un exemple, celui de l’évêque François II de Dinteville qui a été poursuivi par le Parlement de Paris pour le crime abominable d’avoir cloué l’un de ses gardiens de chasse à un poteau. Comment expliques-tu la coexistence d’une certaine bestialité de comportement et du goût artistique très raffiné qui caractérise cette noblesse ?
E.A.R. Brown : Qui sait ? Enfin, regarde les personnes qui achètent les tableaux maintenant. Pourquoi est-ce qu’elles les achètent ? Il faut avoir des tableaux pour atteindre un certain statut. Ça existait déjà au XVe et au XVIe siècles, j’en suis sûre. Les Dinteville avaient beaucoup de goût. Ce qu’ils ont acheté était très raffiné. Mais, j’ai étudié aussi les manuscrits de Jean de Chabannes (mort en 1503), qui voulait monter très haut et a essayé de le faire (au moins en partie) par ses manuscrits et par ses armoiries. Il a fait appel aux meilleurs artistes de Paris. Je pense que c’était lui-même qui inventait ses armoiries (qui étaient fantaisistes). À ce sujet je voudrais vous raconter une anecdote : mon grand-père était issu d’une famille de gens simples, comme on dit aux États-Unis. Il est devenu avocat et a gagné pas mal d’argent. Il a tout perdu pendant « le grand séisme », mais après il a gagné assez d’argent pour payer toutes ses dettes. Il voulait des armoiries et a répondu donc à une annonce dans le New York Times. Pour cinq dollars il a reçu quatre jours plus tard ses armoiries. Il s’appelait Batson, c’est-à-dire « fils de chauve-souris ». Sur les armoiries, il y avait trois chauves-souris et la légende : « Nous volons la nuit » (We fly by night) [rires]. Je ne sais pas où se trouvent ces armoiries maintenant, mais je voudrais bien les retrouver. Cette histoire faisait beaucoup rire Raymond de Roover, un grand historien belge de l’économie. Il disait que ça s’est fait toujours de cette manière, mais le temps passe, et on oublie. Donc, j’ai un point de vue tout à fait particulier sur ces gens prétentieux.
K. Wilson-Chevalier : Une dernière question, sur les intrigues de cour. Elles sont au centre de tes études sur les Montmorency, les Dinteville et les Du Plessis. Comme de tes études des magnifiques livres d’Heures produits vers le milieu du XVIe siècle. Or, les membres de ces maisonnées étaient tous au service de Louise de Savoie, et/ou des fils de François Ier. Dans le livre Les Conseillers de François Ier édité en 2011 par Cédric Michon, David Potter offre une très belle analyse du rôle politique de la duchesse d’Étampes [47]. Potter attribue à la duchesse un rôle positif dans le maintien de la stabilité de la cour et dans la politique royale en faveur de la paix, la recherche d’alliances avec les princes protestants. Les livres d’Heures que tu as étudiés sont produits par les « mécontents » de ce règne finissant. Pourraient-ils être une réponse à la politique religieuse portée en avant par les alliés de la duchesse, pendant que le roi François était encore en vie ?
E.A.R. Brown : Non, je pense que c’était à part. Les Dinteville avaient commandité eux-mêmes un livre d’Heures, qu’ils avaient présenté au dauphin Henri, qui l’a admiré. On ne met jamais ses propres armoiries dans un cadeau pour le souverain ; donc, les Dinteville ont surpeint la moitié de leurs armoiries par les siens avant de le lui offrir. Mais la moitié de leurs armoiries restaient ! À partir de là, le livre fut nommé Livres d’heures d’Henri II, alors que, à cause des armoiries des Dinteville qui s’y trouvaient, je soupçonnais fort qu’il avait été commandité par les Dinteville pour leur usage personnel. Myra Orth me disait un jour « Peut-être les armoiries royales sont surpeintes. » Comme François Avril l’a établi, elles l’étaient. Et donc, on pouvait expliquer exactement le pourquoi de ce livre que j’ai baptisé les Premières Heures des Dinteville, au lieu des Heures d’Henri II. Et ça a été accepté. Après, les Dinteville ont commandé un livre d’Heures

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beaucoup plus impressionnant que le livre qu’ils avaient offert... Ce n’était pas quelque chose de politique. C’était une question de statut, de goût. On ne peut pas réduire tout à la politique.
K. Wilson-Chevalier : Cela se passe dans les années 1540, à la fin du règne de François Ier. Les courtisans sont en train de préparer de nouvelles alliances. Les livres que tu étudies forment une sorte d’ensemble et semblent exprimer une prise de position religieuse partagée.
E.A.R. Brown : Je pense que c’est lié à la lutte pour le pouvoir et l’influence du pouvoir, ses effets sur les êtres humains, ce qui existe toujours. Mon ami Barbara Tuchman, que j’ai connue quand elle rédigeait son livre A Distant Mirror [48], remarquait, « You’re never the same after you have ridden behind a motorcycle escort” [49]. Comment est-ce qu’on dit cela ?
C. zum Kolk : Vous n’êtes plus jamais le même une fois que vous avez été précédé par une escorte de motards… Le pouvoir corrompt, le pouvoir transforme ?
E.A.R. Brown : Exactement.
C. zum Kolk : Comment se fait-il que vous ayez délaissé le tournant du XIIIe/XIVe siècle pour vous intéresser au XVIe siècle ?
E.A.R. Brown : C’est à cause de Sarah Hanley qui disait que j’avais tort au sujet de Jean du Tillet et de ses ouvrages. Mais il m’a fallu deux ans pour pouvoir lire et comprendre comment employer les registres du Parlement. J’étais fascinée par la quantité de documents qui existent pour le XVIe siècle, ce qui contraste fort avec les siècles précédents... Ceci nous montre ce que nous aurions pu savoir si nous avions la documentation antérieure, n’est-ce pas ? Et encore, il faut essayer de comprendre les individus. Je pense à la communication que tu [KWC] as donnée avec Elizabeth L’Estrange au colloque de la RSA à Venise à propos de Madeleine de Savoie. Ce que vous avez présenté fait qu’elle est devenue pour moi une personne. Cela m’a ouvert les yeux sur le Livre d’Heures des Montmorency. Et comme disait Marc Bloch, pour comprendre le passé, il faut comprendre le présent.
C. zum Kolk : Chère Peggy, nous vous remercions pour cet entretien.

Notes

[1E. A. R. Brown, « The Cistercians in the Latin Empire of Constantinople and Greece, 1204-1276 », Traditio, vol. 14, 1958, p. 63-120.

[2Gaines Post, « Plena Potestas and Consent dans Medieval Assemblies : A study in Romano-Canonical Procedure and the Rise of Representation, 1150-1325 », Traditio, vol. 1, 1943, p. 355-408.

[3E. A. R. Brown, « Representation and Agency Law in the Later Middle Ages : the Theoretical Foundations and the Evolution of Practice in the Thirteenth- and Fourteenth-Century Midi », Viator. Medieval and Renaissance Studies, vol. 3, 1972, p. 329-364.

[4E. A. R. Brown, « Assemblies of Towns and War Subsidy (1318-1319) », dans Joseph R. Strayer, Charles Holt Taylor, Studies in Early French Taxation, Cambridge MA, Harvard University Press, 1939, p. 107-200.

[5E. A. R. Brown, « Reform and Resistance to Royal Authority in Fourteenth Century France : The Leagues of 1314 1315 », Parliaments, Estates and Representation, vol. 1, 1981, p. 109 137.

[6E. A. R. Brown, « The Tyranny of a Construct : Feudalism and Historians of Medieval Europe », The American Historical Review, vol. 79, no. 4, oct. 1974, p. 1063-1088.

[7Georges Duby, La société au XIe et XIIe siècles dans la région mâconnaise, Paris, A. Colin, 1953 (réédition 1971).

[8Traduction : Par paresse, ma chère.

[10Traduction : Trinquons sur le féodalisme et tous ces merveilleux vassaux qui font qu’il marche.

[11Kings like semi-gods. Autour des travaux d’Elizabeth A. R. Brown. Journée d’étude organisée par Olivier Canteaut et Xavier Hélary, GDR Capétiens, Paris, 15 juin 2013.

[12Susan Reynolds, Fiefs and Vassals. The Medieval Evidence Reinterpreted, New York, London, Oxford University Press, 1994.

[13E. A. R. Brown, « The Tyranny of a construct… », p. 1066.

[14E. A. R. Brown, « On 1500 », dans Peter Linehan, Janet L. Nelson (dir.), The Medieval World, London, Routledge, 2001, p. 691-710.

[15Sébastien Nadiras, Guillaume de Nogaret en ses dossiers. Méthodes de travail et de gouvernement d’un conseiller royal au début du XIVe siècle, thèse de doctorat d’histoire, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2012 ; voir aussi du même « Guillaume de Nogaret et la pratique du pouvoir », Positions des thèses de l’École des chartes, Paris, 2003, p. 161-168.

[16Andrew W. Lewis, Royal succession in Capetian France : studies on familial order and the state, Cambridge MA, Harvard University Press, 1981 ; trad. Le Sang royal. La famille capétienne et l’État, France, Xe-XIVe siècles, Paris, Gallimard, 1986.

[17Charles T. Wood, French Apanages and the Capetian Monarchy, 1224-1328, Cambridge MA, Harvard University Press, 1966.

[18Andrew W. Lewis, The Chronicle and Historical Notes of Bernard Itier, Oxford, Oxford University Press, 2012.

[19E. A. R. Brown, « The Prince is Father of the King : The Character and Childhood of Philip IV of France », Mediaeval Studies, vol. 49, 1987, p. 282-334.

[20Alexandre Bande, « Les sépultures capétiennes en Ile-de-France au XIVe siècle », dans A. H. Allirot et al. (éd.), Une histoire pour un royaume (XIIe-XVe siècle), Paris, Perrin, 2010, note 18, p. 521.

[21Murielle Gaude-Ferragu, « Le corps du roi. Autour des travaux d’Elizabeth Brown sur la mort et les funérailles royales », intervention faite à l’occasion de la journée d’étude Kings like semi-gods. Autour des travaux d’Elizabeth A.R. Brown... Nous remercions l’auteur d’avoir mis à notre disposition le texte de son intervention.

[22Ralph E. Giesey, The Royal Funeral Ceremony in Renaissance France, Genève, Droz, 1960 ; trad. Le roi ne meurt jamais : les obsèques royales dans la France de la Renaissance, Paris, Flammarion, 1987.

[23Ernst Kantorowicz, The King’s Two Bodies : A Study in Mediaeval Political Theology, Princeton, Princeton University Press, 1957 (reprint 1997) ; trad. Les deux corps du roi  : essai sur la théologie politique au Moyen âge, Paris, Gallimard, 1989.

[24Ralph E. Giesey, Cérémonial et puissance souveraine : France, XVe-XVIIe siècles, Paris, Armand Colin, 1987.

[25E. A. R. Brown, « The Ceremonial of Royal Succession in Capetian France : The Double Funeral of Louis X », Traditio, vol. 34, 1978, p. 227-271.

[26E. A. R. Brown, « The French Royal Funeral Ceremony and the King’s Two Bodies : Ernst H. Kantorowicz, Ralph E. Giesey, and the Construction of a Paradigm », Micrologus, vol. 22 (Le Corps du Prince), 2014, p. 105-137.

[27E. A. R. Brown, « Royal Bodies, Effigies, Funeral Meals, and Office in Sixteenth-Century France », Micrologus, vol. 7, 1999, p. 437-508 ; « The French Royal Funeral Ceremony and the King’s Two Bodies : Ernst H. Kantorowicz, Ralph E. Giesey, and the Construction of a Paradigm », Micrologus, vol. 22 (Le Corps du Prince) (2014), p. 105-137.

[28Richard A. Jackson, Ordines Coronationis Franciae. Texts and Ordines for the Coronation of Frankish and French Kings and Queens in the Middle Ages, 2 vols., Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1995 (reprint 2000).

[29Harvey Stahl, « The Problem of Manuscript Painting at Saint-Denis During the Abbacy of Suger », dans Paula Lieber Gerson (dir.), Abbot Suger and Saint-Denis : A Symposium, New York, The Metropolitan Museum of Art, 1986, p. 163-181.

[30E. A. R. Brown, « Franks, Burgundians, and Aquitanians, and the Royal Coronation Ceremony in France », Transactions of the American Philosophical Society, vol. 82, part 7, Philadelphia, American Philosophical Society, 1992.

[31Sarah Hanley, The Lit de Justice of the Kings of France : Constitutional Ideology in Legend, Ritual, and Discours, Princeton, Princeton University Press, 1983 ; trad. Le lit de justice des rois de France  : l’idéologie constitutionnelle dans la légende, le rituel et le discours, Paris, Aubier, 1991.

[32E.A.R. Brown et Richard C. Famiglietti, The Lit de Justice : Semantics, Ceremonial, and the Parlement of Paris (1300-1600), Sigmaringen, Jan Thorbecke, 1994.

[33Alfred Soman, Sorcellerie et justice criminelle : le Parlement de Paris, 16e-18e siècles, Aldershot, Variorum, 1992.

[34Murielle Gaude-Ferragu, Le corps du roi…

[35James Q. Whitman, « Enforcing Civility and Respect : Three Societies », The Yale Law Journal, vol. 109, 2000, p. 1279-2000.

[36E. A. R. Brown, « Les Heures dites d’Henri II et les Heures de Dinteville », dans Hervé Oursel et Julia Fritsch (dir.), Henri II et les arts. Actes du colloque international de l’École du Louvre et du musée national de la Renaissance, Écouen, 25, 26 et 27 septembre 1997, Paris, École du Louvre, 2003, p. 261-292.

[37E. A. R. Brown, Myra Dickman Orth, « Jean du Tillet et les illustrations du grand Recueil des Roys », Revue de l’Art, vol. 115, 1997, p. 8-24.

[38E. A. R. Brown, Michael W. Cothren, « The Twelfth Century Crusading Window of the Abbey of Saint Denis : Praeteri¬torum enim Recordatio Futurorum est Ex¬hibitio », The Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, vol. 49, 1986, p. 1-40.

[39E. A. R. Brown, « The Dinteville Family and the Allegory of Moses and Aaron before Pharaoh », Metropolitan Museum of Art Journal, vol. 34, 1999, p. 73-100.

[40E. A. R. Brown, « Madeleine de Savoie and the Chantilly Hours of Anne de Montmorency (MS 1465 [1943]) », dans Sandra Hindman, James Marrow (dir.), Books of Hours Reconsidered, London/Turnhout, Harvey Miller/Brepols, 2013, p. 429-466.

[41Guy Poirier, L’homosexualité dans l’imaginaire de la Renaissance, Paris, H. Champion, 1996.

[42Rebecca E. Zorach, The Matter of Italy : Sodomy and the Scandal of Style in Sixteenth-Century France, Durham NC, Duke University Press, 1998.

[43John Boswell, The Royal Treasure : Muslim Communities under the Crown of Aragon in the Fourteenth Century, New Haven, Yale University Press, 1977.

[44John Boswell, Christianity, Social Tolerance, and Homosexuality : Gay Peope in Western Europe from the Beginning of the Christian Era to the Fourteenth Century, Chicago, University of Chicago Press, 1980 ; trad. Christianisme, tolérance sociale et homosexualité : Les Homosexuels en Europe occidentale des débuts de l’ère chrétienne au XIVe siècle, Paris, Gallimard, 1985.

[45John Boswell, Same-Sex Unions in Premodern Europe, New York, Random House, 1994 ; trad. Les unions du même sexe : De l’Europe antique au Moyen Âge, Paris, Fayard, 1996.

[46E. A. R. Brown, « Introduction » (p. 261-283) et « Ritual Brotherhood in Western Medieval Europe » (p. 359-381) dans E. A. R. Brown, Claudia Rapp, Brent Shaw (éd.), « Ritual Brotherhood in Ancient and Medieval Europe : A Symposium », Traditio, vol. 52, 1997.

[47David Potter, « Anne de Pisseleu (1508-1580), duchesse d’Étampes, maîtresse et conseillère de François Ier », dans Cédric Michon (dir.), Les conseillers de François Ier, Rennes, PUR, 2011, p. 535-557.

[48Barbara Wertheim Tuchman, A Distant Mirror : The Calamitous Fourteenth Century, New York, Knopf, 1978 ; trad. Un lointain miroir. Le XIVe, siècle des calamités, Paris, Fayard, 1991.

[49Remarque de Herbert H. Lehman (1878-1963), gouverneur démocrate de New York, à son frère, 1950.