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Vitesse d’écriture et vérité aristocratique dans les Mémoires du cardinal de Retz et dans les Mémoires du duc de Saint-Simon 

Marc Hersant

Hersant, Marc, « Vitesse d’écriture et vérité aristocratique dans les Mémoires du cardinal de Retz et dans les Mémoires du duc de Saint-Simon », Dix-septième siècle 2/ 2006 (n° 231), p. 199-216

Extrait de l’article

Le mythe de l’inspiration recouvre presque entièrement depuis le XIXe siècle les représentations d’une écriture « rapide », s’opposant à celui d’une écriture comme objet de « travail », laborieuse et lente : Flaubert et Mallarmé, « creusant le vers » ou la prose, sont devenus les héros (involontaires) de ce second modèle tandis qu’un Stendhal rêvé dans une dictée à bâtons rompus et en quarante jours de la Chartreuse de Parme ou un Rimbaud lâchant les fulgurances (en réalité assez « lentes ») du Bateau ivre nourrissent comme ils peuvent (c’est-à-dire de manière plus ou moins discutable) l’imaginaire de la vitesse. Tous ces écrivains sont, bien sûr, ce que les deux mémorialistes auxquels cet article est consacré auraient appelé des « gens de néant » de la « lie du peuple ». Pourtant, on ne peut pas se défendre du sentiment que survit dans ces deux images l’opposition d’un idéal « aristocratique » (la vitesse, la course en avant et le mépris du coup d’œil jeté en arrière et du « réflexif ») et d’une valeur « bourgeoise » (le travail, le temps qu’il faut prendre pour « bien faire » les choses), comme vivent, qu’ils en soient ou non responsables, dans la figure de Rimbaud le mythe héroïque et aristocratique d’une vie d’exception et dans celle de Mallarmé l’image idéalisée, portée jusqu’au sublime, d’une œuvre de génie produite par le labeur dans le train-train quotidien de la vie « médiocre » d’un professeur et d’un mondain, d’une espèce de fonctionnaire du sublime.

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