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La représentation de la faculté de médecine de Paris lors de l’autopsie des rois de France

Alexandre Lunel (éd.)

Comment citer cette publication :
Alexandre Lunel (éd.), La représentation de la faculté de médecine de Paris lors de l’autopsie des rois de France, Paris, Cour de France.fr, 2009. Documents inédits publiés en ligne le 1er février 2009 (https://cour-de-france.fr/article865.html) dans le cadre du projet de recherche "La médecine à la cour de France".

L’autopsie du corps du roi se pratique systématiquement depuis le XVIe siècle sur un mode public et médical ; elle intervient après l’éviscération pratiquée pour l’embaumement et l’extraction du cœur. Le premier médecin du roi préside à la cérémonie tandis que les chirurgiens procèdent à l’ouverture du corps. L’équipe médicale est composée des traditionnels thérapeutes de la cour, présents en nombre imposant, et de praticiens externes. L’usage de requérir la présence du doyen de la faculté de médecine de Paris, et d’un de ses collègues, apparaît avec le décès de Louis XIII, date à laquelle la Faculté fait insérer dans ses registres le procès-verbal d’autopsie (document n°1). Les registres antérieurs ne mentionnent pas ce fait et il paraît douteux qu’il s’agisse d’une omission des doyens précédents, surtout si l’on considère l’extrême minutie dont ils font preuve dans la rédaction des Commentaires de la Faculté. Cette coutume est maintenue lorsque Louis XIV décède. Le doyen J.-B. Doye, immédiatement averti, reçoit, le 1er septembre 1715, une lettre en forme de convocation qu’il communique à ses collègues (document n°2). Cette prérogative est jalousement revendiquée, comme en témoigne, plus tard, la lettre acerbe adressée le 11 mai 1774 par le doyen Lethieullier au premier médecin Lemonnier (document n°3). Lemonnier lui répond que l’affreux état du corps de Louis XV ravagé par la petite vérole et le caractère très contagieux du mal interdira tout examen (document n°4). La requête du doyen n’est suivie d’aucun effet. Une fois l’autopsie terminée, le premier médecin en rédige le procès-verbal qu’il signe de sa main.

Document n°1. « Compte-rendu d’autopsie de Louis XIII »
BIUM, Ms XIII (Com. Fac. Med. : 1636-1652), fol. 173

« Le jour suivant, à la sixième heure du matin, le corps du roi défunt fut ouvert en présence de sérénissime prince Monseigneur de Nemours, maréchal-général des camps, de M. de Vitry, de M. de Souvré, premier chambellan, des chambellans ordinaires, des premiers du roi et de la reine et des médecins et chirurgiens ordinaires des deux côtés. On trouva de nombreux ulcères purulents, sanieux, tabescens, situés en différents endroits, dans le mésocolon, dans les petits intestins. Il y en avoit un à l’extrémité du colon, et qui avoir rongé et perforé l’intestin, d’où une grande collection purulente provenant des glandes et des vaisseaux putréfiés du mésocolon s’étoit accumulée dans le bas-ventre et auroit pu emplir trois demi-setiers, mesure de Paris. Dans le rein droit, on trouvé un abcès, mais petit, et qui n’a dû avoir aucune influence sur la maladie. Au fond de l’estomac, étoient un abcès un peu plus grand et plusieurs autres très-petits, bruns, fuligineux, verdâtres, noirâtres, analogues à ceux qu’on a observés sur tout le canal intestinal. La vésicule du fiel, adhérente au foie, étoit presque vide. Le foie étoit presque désséché et ratatiné, pressé contre les parois abdominales et s’écrasant en grumeaux. Le lobe du poumon gauche étoit adhérent à la plèvre par une caverne grande et profonde, pleine de pus. Voilà ce qu’on observé scrupuleusement le doyen de la Faculté de médecine, Michel Delavigne et René Moreau, docteur médecin et professeur royal, qui tous deux, pendant l’espace de vingt-six jours, ont avec les médecins susnommés donné leurs soins au roi très-chrétien, appelés de Paris comme consultants le lundi 20 avril de l’an du Seigneur 1643 ».

(Page 2)

Document n°2. « Lettre adressée à J. B. Doye, doyen de la faculté de médecine de Paris (1er septembre 1715) »
BIUM, Ms XVIII (Com. Fac. Med. : 1711-1724), fol. 84

« A Versailles, le 1er septembre 1715. Lorsque le Roy meurt, on est dans l’usage d’appeler le doyen et un ancien de la Faculté de médecine pour être présens à l’ouverture de son corps. C’est pour cela que j’ai l’honneur de vous avertir, Messieurs, de vous rendre icy demain, deuxiesme de ce mois, à huit heures du matin. M. le marquis de Beringhen, premier écuyer du Roy, vous fera donner un carrosse qui se trouvera demain à six heures du matin, à la porte des Ecoles de médecin où deux chirurgiens-jurés de Paris se rendront pour venir ici avec vous. Je suis, Messieurs, votre très-humble et obéissant serviteur. Desgranges »..

Document n°3. « Lettre du doyen Lethieullier au premier médecin Lemonnier (11 mai 1774) »
BIUM, Ms XXIII (Com. Fac. Med. : 1764-1777), fol. 547

« Monsieur, la mort du roi a occasionné une assemblée extraordinaire de l’Université, qui a été tenue ce matin : on y fait lecture de ce qui s’étoit observé lors de celle de Louis XIV ; les registres font mention expresse de l’ouverture du corps du monarque dans les plus grands détails, et constatent que M. J.-B. Doye, doyen de la Faculté, avoit été mandé avec un ancien, pour assister à cette ouverture et signer le procès-verbal. J’ai consulté aussitôt les registres de notre Faculté, dont je vous envoie l’extrait, je craindrois d’être accusé de négligence par la compagnie, si je vous laissois ignorer ce qui a été pratiquée en 1715 et si je manquois une occasion de jouir pour elle d’une prérogative qui paroît être accordée à la place dont je suis honoré ou du moins qui lui a été décernée avec le temps. Je crois, monsieur, connaissant votre zèle pour la Faculté, que vous approuverez le mien à vous instruire d’un usage que la lecture de la lettre écrite par M. Desgranges vous confirmera ». J’ai l’honneur, etc. Lethieullier ».

Document n°4. « Lettre du premier médecin Lemonnier au doyen Lethieullier (s. d.) »
BIUM, Ms XXIII (Com. Fac. Med. : 1764-1777), fol. 548

« Monsieur le Doyen, M. Bordeu, notre confrère, m’a parlé hier de l’usage que j’ignorois d’appeler M. le Doyen de la Faculté et un adjoint à l’ouverture du corps des rois de France. Nous n’aurions pas manqué de maintenir les droits de la Faculté, si la triste cérémonie avoit eu lieu ; mais vu le genre de maladie dont Sa Majesté est décédée, on se contentera simplement d’ensevelir le corps dans un taffetas ciré bien garni de poudres aromatiques ; on achèvera d’en remplir le cercueil de plomb. C’est ainsi que l’apothicaire du roi vient de me dire que cela se pratiquera ce soir à cinq heures ». J’ai l’honneur, etc. Lemonnier ».