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Une reine au cinéma

Pascal Dupuy

Pascal Dupuy, « Une reine au cinéma », Annales historiques de la Révolution française, 347, 2007, 159-162.

Extrait de l’article

Le film de Sofia Coppola, Marie-Antoinette (2006), a finalement laissé la critique cinématographique française et le monde des historiens silencieux. Peut-être que la volonté de la réalisatrice de ne pas aborder, ou si peu, la Révolution française, événement national aux forts accents politiques et polémiques, pour se consacrer uniquement à la vie de la reine de France sous l’Ancien Régime a rendu historiens et journalistes circonspects. On peut le regretter, d’autant que de l’autre côté de l’Atlantique, paradoxalement, le film a suscité davantage de débats, parfois même d’indignation au sujet d’un film qui, selon l’une de ces critiques (Judith A. Miller), n’est finalement que la rencontre (malheureuse) entre People Magazine et la Révolution française… Du côté des États-Unis, les historiens de la France savent bien que ce film à destination des adolescents va probablement obérer leur travail d’enseignant et que la pente sera dure à remonter… Comment lutter à armes égales, avec des moyens « académiques », contre un budget de production de quelques dizaines de millions de dollars, des stars internationales et une bande musicale racoleuse ? Les images valent témoignage et le film devient pour un jeune public mal informé la réalité historique4. Cependant pouvait-il en être autrement ? Fondé sur une biographie médiocre (celle d’Antonia Fraser), le scénario, puis son aboutissement filmique, ne pouvait devenir qu’une vision décalée et futile de l’Ancien Régime, de la cour et de Versailles. Le reproche principal que l’on peut faire à cette représentation de la vie de Marie-Antoinette est d’en évacuer tout contenu idéologique, tout substrat politique et historique, pour en faire une bluette aux accents contemporains : le mal de vivre d’une (continuelle) adolescente, délaissée par son royal époux, fascinée par la mode, le luxe et n’acceptant qu’avec difficulté les devoirs de sa fonction. Une « pauvre » jeune fille devenue reine sans son consentement, sous la férule d’une mère autoritaire et dont la vie et le corps sont livrés au regard du public. Ce résumé à peine schématique qui pourrait servir de canevas à un film sur une starlette d’Hollywood me conduit à plusieurs remarques.

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